2024/03/16: PARADIS FISCAUX AUX PRISES AVEC LE FISC

1️.Interdire purement et simplement les paiements vers les sociétés établies dans des « paradis fiscaux » me semble utopique. L’approche préconisée sur la scène fiscale internationale consiste d’ailleurs à les autoriser tout en les contrôlant scrupuleusement. Il ne faut pas perdre de vue que ces paiements sont sous haute surveillance :

🔸 Les banques ont l’obligation de vérifier les transactions faites avec des sociétés offshore, dans le cadre de leur devoir de vigilence (lutte contre le blanchiment AML);
🔸 Ces paiements sont aussi dans le viseur du fisc, qui peut dégainer une batterie de mesures anti-abus (par exemple, la non-déductibilité des paiements).

2️.Notion de « paradis fiscal » en droit fiscal

Il faut savoir qu’il y a plusieurs listes de « paradis fiscaux » dans la législation fiscale belge, qui évoluent au fil du temps. Il n’est pas toujours évident de s’y retrouver!

Prenons l’obligation pour les sociétés de déclarer (via une annexe spécifique à leur déclaration fiscale) certains paiements substantiels effectués vers des Etats considérés comme des « paradis fiscaux » (sous peine de non-déductibilité des paiements; cfr. aussi le durcissement du dispositif introduit par la loi du 28 décembre 2023). Pour savoir si un Etat peut être qualifié comme un « paradis fiscal » (au sens de cette obligation déclarative), il faut consulter pas moins de trois listes :
🔸 Les Etats ne respectant pas le standard sur l’échange de renseignements sur demande (liste de l’OCDE – Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales) ; ou
🔸 les Etats figurant sur la liste belge des Etats à fiscalité inexistante ou peu élevée (établie à l’article 179 de l’AR/CIR 92) ;
🔸 Les Etats figurant sur la liste de l’Union européenne des juridictions non coopératives (liste UE).

L’article du Soir revèle une faille de ce dispositif, identifiée par la Cour des comptes dans son rapport de 2022 sur les paradis fiscaux. A suivre les travaux préparatoires concernant l’interprétation à donner à la notion de « construction artificielle » (bénéficiaire du paiement établi dans le paradis fiscal), elle ne viserait que les cas où la société établie dans un paradis fiscal a été créée pour éluder l’impôt en Belgique, situation assez rare en pratique. A noter que dans un jugement du 19 février 2024, le tribunal de première instance d’Anvers a validé cette approche.

Pour cette seule obligation déclarative, nous avons donc pas moins de 3 listes (OCDE, belge et UE)!  A noter que cette dernière liste UE a été actualisée à la fin du mois de février 2024 (elle
inclut notamment le Panama et la Fédération de Russie), et peut avoir aussi un impact sur DAC6, la ‘taxe Caïman’, le régime CFC et la déduction RDT.

Lire aussi l’intervention de Denis-Emmanuel Philippe dans Le SOIR.

https://www.lesoir.be/574840/article/2024-03-15/pourquoi-la-commission-europeenne-ne-prend-elle-pas-des-mesures-pour-eradiquer