2023/05/01: Emigration d’une société belge vers le Grand-Duché du Luxembourg

L’émigration d’une société patrimoniale (holding) belge vers le Luxembourg suscite de nombreuses questions fiscales. Citons notamment:

– le prélèvement du précompte mobilier en Belgique (question qui se pose avec acuité en présence d’actionnaires personnes physiques). Un récent jugement du tribunal de première instance du Brabant wallon conforte la thèse généralement défendue en doctrine, suivant laquelle le précompte n’est pas dû en l’absence d’enrichissement des actionnaires / paiement ou attribution d’un revenu mobilier.

– le risque de débition du précompte est par contre réel dans l’hypothèse où l’opération s’inscrit dans un montage abusif (application potentielle de la mesure générale anti-abus visée à l’article 344,§1er du CIR). Par exemple: liquidation de la société peu de temps après son arrivée au Luxembourg (après l’expatriation des actionnaires belges au Grand-Duché, avec application du step up fiscal à l’impôt des personnes physiques)

– Au Luxembourg, la société bénéficie en principe d’un « stepup  » fiscal (sous réserve de l’application éventuelle de la mesure anti-abus – art. 6 loi d’adaptation spéciale -, cfr. l’arrêt de la Cour administrative du 26 octobre 2021, qui portait sur un montage excessivement « agressif »).

– le transfert de siège est-il un dispositif déclarable au sens de la Directive DAC6 ? A suivre les FAQ belge et luxembourgeoise, la réponse serait positive dans l’hypothèse où la société qui émigre ne conserverait pas un établissement stable dans l’Etat d’origine. Or, dans l’écrasante majorité des transferts de sièges de sociétés holdings, aucun ES n’est maintenu dans l’Etat d’origine… A mon avis, cette thèse administrative est contestable (cfr mon livre sur DAC 6, co-rédigé avec Aymeric Nollet, qui sortira en août/septembre 2023 au plus tard chez Legitech et Anthemis). Il s’agit d’une question brûlante pour tous les « intermédiaires » qui interviennent dans le cadre de la conception (analyse des aspects fiscaux,…) et de la mise en œuvre du transfert, à savoir l’avocat fiscaliste / spécialisé en droit des sociétés qui assiste la société, le notaire qui passe l’acte notarié, l’expert-comptable ou le conseiller fiscal – membre de l’ITAA – Institute for Tax Advisors and Accountants – la banque auprès de laquelle la société a ouvert un compte au Luxembourg,…

Denis-Emmanuel Philippe