2023/03/25: Mesure générale anti-abus : le fisc ne peut pas ignorer les faits

Les mesures anti-abus sont au coeur de très nombreuses décisions de jurisprudence récentes.

J’épinglerai ici l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 3 janvier 2023, qui est riche d’enseignements pour les praticiens.

En l’espèce, le fisc s’était fondé sur la mesure générale anti-abus (article 344,§1er du CIR) pour imposer une plus-value sur actions réalisée par une SPF luxembourgeoise en 2014 (soit avant l’instauration de la taxe Caïman!) dans le chef de son actionnaire personne physique (manager d’un fonds de private equity) au titre de revenu professionnel. La Cour d’appel a rejeté les prétentions du fisc, sur la base d’un raisonnement fort intéressant.

Lorsque les conditions de l’abus fiscal sont réunies, le texte légal prévoit que « la base imposable et le calcul de l’impôt sont rétablis en manière telle que l’opération est soumise à un prélèvement conforme à l’objectif de la loi, comme si l’abus n’avait pas eu lieu ». Les juges d’appel gantois rappellent toutefois -à juste titre selon moi- que la mesure générale anti-abus ne permet pas au fisc de toucher aux faits, lorsqu’il procède à une conversion ou requalification d’actes juridiques.

Or, en l’espèce, la SPF n’avait PAS fait de distributions de dividendes à son actionnaire personne physique. Comment pourrait-on dès lors taxer l’actionnaire particulier au titre de revenu professionnel, sans toucher aux faits (sans faire fi de la personnalité juridique distincte de la SPF) ?

Denis-Emmanuel Philippe