2023/01/06: Structuration d’investissements par un fonds américain à travers une holding belge : quelques questions fiscales pointues

Les sociétés holdings belges du fonds d’investissement américain Lone Star sont impliquées dans plusieurs affaires passionnantes pour les praticiens de la fiscalité internationale.

1) La première affaire concerne l’application d’une convention préventive de la double imposition en présence d’un montage jugé « abusif »:

– Le fonds américain avait constitué (en 2003) des sociétés holdings en Belgique en vue d’acquérir des sociétés coréennes.
– Les holdings belges avaient ensuite réalisé des plus-values lors de la cession de leurs filiales coréennes, en exonération d’impôt (i) en Corée (sur le fondement de l’article 13 (3) de la CPDI belgo-coréenne, qui octroie le pouvoir d’imposition à la Belgique) et (ii) en Belgique (sur la base du régime d’exonération des plus-values sur actions – article 192 du CIR).
– En 2012, la Cour suprême coréenne a toutefois considéré que les plus-values sur actions étaient bien imposables en Corée, au motif que le montage constituait un abus de la CPDI.
– Dans une récente sentence relatée par Le Soir, le tribunal arbitral international a confirmé le verdict de la Cour suprême coréenne :  » Les véhicules d’investissement belges (de Lone Star) ont été créés exclusivement à des fins d’optimisation fiscale (…) Ces structures n’avaient pas d’objectif commercial indépendant ou n’exerçaient pas d’activités commerciales importantes », le tribunal arbitral précisant ensuite que le « traitement fiscal n’a violé ni les normes nationales ni les normes internationales ».

2) Dans la seconde, une société belge du fonds américain est aux prises avec le fisc… belge, qui refuse l’exonération de précompte mobilier sur les distributions de dividendes faites à sa société mère luxembourgeoise, lui réclamant pas moins de 47 millions d’euros (!) selon les informations du Soir. Très vraisemblablement, le fisc belge fait ici application de la mesure anti-abus spécifique de la directive mère-filiale, qui lui permet d’écarter l’exonération de précompte en présence d’une distribution de dividende à une société mère (luxembourgeoise) dépourvue de substance économique, interposée dans le but précis de bénéficier de l’exonération de précompte.

Ces affaires montrent que :

– les autorités fiscales attachent une importance accrue à la substance des holdings intercalées;
– les exonérations de précompte mobilier (sur les distributions de dividendes, mais aussi sur les paiements d’intérêts/redevances), sur le fondement des directives/CPDI, font l’objet de contrôles de plus en plus approfondis. A noter à ce propos que depuis la loi du 20 novembre 2022, le fisc dispose désormais d’un nouveau délai d’imposition (et d’investigation) de 6 ans lorsqu’une exonération de précompte est sollicitée sur le fondement d’une directive ou d’une CPDI…

Voir l’ intervention de Denis-Emmanuel Philippe sur ces deux affaires dans Le Soir

https://www.lesoir.be/487361/article/2023-01-06/un-montage-passant-par-la-belgique-pour-echapper-limpot-recale