À partir de ce vendredi 8 août, les contribuables détenant des capitaux à l’étranger peuvent demander leur régularisation dans le cadre de la DLU 5.
Depuis la mort annoncée de la précédente « déclaration libératoire unique » dite DLU 4 au 1ᵉʳ janvier 2024, plus aucun espace législatif n’était prévu pour régulariser des capitaux détenus à l’étranger. Le nouveau gouvernement fédéral réinstaure un mécanisme de régularisation de manière permanente, accompagné toutefois d’une augmentation des taux.
« Les détenteurs de capitaux non déclarés à l’étranger se trouvaient dans une situation kafkaïenne depuis le 1ᵉʳ janvier 2024. Lorsqu’ils voulaient rapatrier leurs capitaux en Belgique, ils se heurtaient à un véto des banques lorsqu’ils n’étaient pas en mesure de démontrer noir sur blanc l’origine licite des fonds », explique l’avocat fiscaliste Denis-Emmanuel Philippe (Bloom).
De fait, les institutions financières belges refusent d’accepter des capitaux dont la conformité fiscale ne peut être démontrée via des preuves officielles dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent.
Pourquoi régulariser ses capitaux?
La nouvelle DLU – cinquième du nom – par l’intermédiaire du modèle de formulaire de régularisation publié par arrêté royal le 4 août dernier, permet désormais de montrer patte blanche aux banques locales.
« Les contribuables ayant régularisé leurs capitaux pourront bénéficier d’une immunité fiscale et pénale. En bref, le fisc ne pourra plus venir taxer les revenus régularisés, et le parquet ne pourra entamer des poursuites pénales pour fraude fiscale, faux fiscal et blanchiment des avantages tirés de ces infractions. Grâce à ce sésame, les contribuables pourront rapatrier sans difficulté leurs capitaux dans des banques belges », résume Denis-Emmanuel Philippe.
Que coûte cette régularisation?
Mais cette amnistie a un prix. « Cette nouvelle DLU est plus onéreuse que la précédente », prévient l’avocat fiscaliste, « et l’exception pour les contribuables de bonne foi est passée à la trappe, alors qu’elle était prévue dans l’accord de gouvernement. Résultat des courses: les pénalités sont les mêmes pour tout le monde. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les héritiers qui souhaitent rapatrier en Belgique des capitaux logés sur des comptes à l’étranger », poursuit Denis-Emmanuel Philippe.
En plus du taux d’imposition qui aurait dû s’appliquer sur ces revenus, s’ajoute une amende de 30 points de pourcentage, contre 25 points de pourcentage lors de la précédente DLU.
Si les capitaux sont fiscalement prescrits, c’est-à-dire dont le délai d’imposition par l’administration fiscale est dépassé (entre sept et dix ans), l’amende pour leur régularisation s’élève à 45% du montant régularisé, contre 40% dans la DLU 4. « Ces tarifs ne sont pas extrêmement attractifs », concède Thierry Litannie (avocat associé chez Law Tax), « mais c’est le prix à payer pour profiter des capitaux détenus à l’étranger plutôt que de les regarder amoureusement sur un compte », concède Me Litannie.
Qu’est-il prévu pour les impôts régionaux?
Cet accord fédéral n’octroie pas d’immunité à l’égard des impôts régionaux tels que les droits de succession et droits d’enregistrement. Mais le texte prévoit que des accords de coopération peuvent être conclus entre les collectivités du pays.
« Pour les impôts régionaux ou les dossiers mixtes (capitaux passibles à la fois d’impôts fédéraux et régionaux), il faudra patienter encore jusqu’à ce que les Régions élaborent leur propre réglementation. Des décrets sont en cours d’élaboration en Flandre et en Wallonie », précise Denis-Emmanuel Philippe. À Bruxelles, en l’absence de gouvernement, la situation est plus complexe pour adopter de telles mesures.
Quels capitaux sont concernés par la DLU 5?
Le champ d’application de la déclaration libératoire unique est très large. « Elle permet notamment la régularisation de capitaux logés sur des comptes à l’étranger comme la Suisse ou le Luxembourg, des contrats d’assurance-vie, des constructions juridiques tombant sous le coup de la taxe Caïman, etc. », liste l’avocat fiscaliste.
Tous les capitaux étrangers et belges sont concernés, « en ce compris les immeubles détenus en dehors de la Belgique », ajoute Thierry Litannie.
Comment régulariser ses capitaux?
La régularisation fiscale est ouverte tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales (associations, sociétés…). Le requérant doit fournir un descriptif de l’origine historique des capitaux et de la construction du patrimoine.
Concrètement, il doit introduire une déclaration-régularisation auprès du point de contact régularisation du SPF Finances. Le formulaire de déclaration élaboré par le gouvernement est disponible depuis ce 8 août sur le site ruling.be. « Il s’agit pratiquement d’un copier-coller du formulaire de la DLU quater », résume Denis-Emmanuel Philippe.
Après réception de cette déclaration, le point de contact informe le contribuable de la recevabilité de sa demande et du montant de l’amende. « Le contribuable a alors 15 jours pour payer la pénalité et il recevra ensuite une belle attestation-régularisation qui lui confère une immunité fiscale et pénale et lui ouvre les portes des banques belges », explique Thierry Litannie.
« Notez toutefois que les requérants ayant déjà effectué une DLU (quater, ter, bis…) peuvent refaire une DLU 5, mais une seule fois », prévient Denis-Emmanuel Philippe.
Cas spécifique des cryptomonnaies
Les investisseurs en cryptomonnaies pourraient être nombreux à avoir recours à cette nouvelle DLU.
En application de la directive européenne DAC8, les applications de trading en cryptomonnaies devront en effet rapporter les transactions faites par leurs utilisateurs aux administrations fiscales. L’administration fiscale belge sera ainsi informée à partir de 2026 des transactions sur cryptoactifs réalisées par les résidents belges et les montants impliqués.
« Plusieurs investisseurs qui ont fait fortune dans la crypto se demandent aujourd’hui s’ils ne devraient pas régulariser leurs gains antérieurs qui n’avaient jamais été déclarés, craignant que le fisc ne vienne les taxer au titre de revenus divers (plus-values spéculatives), avec des accroissements d’impôts salés. En outre, on peut imaginer que le fisc leur posera des questions sur le passé et utilisera ses pouvoirs d’investigation », anticipe Me Philippe.
La tranquillité a toutefois un prix élevé: si l’on veut régulariser en pareille situation ses gains sur cryptoactifs (non fiscalement prescrits), il faut payer l’impôt normalement dû (33%) majoré d’un prélèvement de 30 points, soit 63% au total.
Exemple pour des revenus professionnels
Un indépendant qui a perçu des revenus professionnels pour 200.000 euros sur un compte en France, mais ne les a pas déclarés, devra payer 50% d’impôts (taux marginal) auxquels s’ajoutent 30% d’amende, ce qui représente, cumulé, 80%. Il ne lui restera en net que 40.000 euros.
Exemple pour des capitaux prescrits hérités
Un héritier qui veut régulariser des capitaux fiscalement prescrits dont il a hérité et pour lesquels il a déjà payé des droits de succession devra payer un prélèvement de 45% s’il ne peut pas prouver la conformité fiscale de ces capitaux. « Les héritiers ont le plus grand mal à retracer l’historique fiscal des capitaux, faute de preuves (extraits bancaires, etc.). Il est regrettable pour ces héritiers que l’exception de bonne foi n’ait pas été retenue dans la loi programme », souligne Denis-Emmanuel Philippe.
Journaliste Mathilde Ridole
