Le MR a gagné sur certains points mais Vooruit a également obtenu satisfaction sur d’autres
La future taxe sur les plus-values a enfin passé le cap du conseil des ministres. Jusqu’à la dernière minute et la dernière virgule, le MR et Vooruit ont ferraillé sur son contenu. Le compromis final lève donc les dernières incertitudes sur cette prochaine taxation que la Belgique ne connaissait pas jusqu’ici.
Rappelons-en le principe : à partir du 1er janvier 2026, une « cotisation de solidarité » de 10 % sera imposée sur les plus-values réalisées sur les actifs financiers. Une exonération d’une première tranche de 10 000 euros de plus-value est prévue. Ainsi qu’une exonération des plus-values « historiques » (qui ont été constituées jusqu’au 1er janvier 2026, jour où les compteurs seront remis à zéro).
En cas de plus-value réalisée lors de la cession d’une participation substantielle (d’au moins 20 %), par exemple dans une PME, le texte confirme également une exonération jusqu’à 1 million d’euros. Ainsi qu’une taxation progressive (de 1,25 % à 10 %) de la plus-value qui excède 1 million d’euros.
Mais la version finale du texte a réservé quelques surprises, bonnes ou mauvaises, de dernière minute. Explications.
1. Il ne faudra pas déclarer toutes les plus-values
Quand un contribuable fera une plus-value sur des actifs financiers, ce sera en principe à sa banque de prélever le précompte mobilier au profit de l’État. Mais la banque ne va pas tenir compte de l’éventuelle exonération dont pourrait profiter ce contribuable. Ce dernier devra en faire état dans sa déclaration fiscale. « La condition prévue initialement pour pouvoir réclamer cette exonération de 10 000 euros était de déclarer toutes les plus-values de la période imposable, explique l’avocat Denis-Emmanuel Philippe, partner chez Bloom Law. Mais dans la dernière ligne droite, il a été décidé que le contribuable pourra se contenter de déclarer les plus-values pour lesquelles il réclame l’exonération. Autrement dit, le contribuable pourra garder l’anonymat pour ses plus-values excédant 10 000 euros ». Ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle pour tous ceux qui ne veulent pas dévoiler leur patrimoine au fisc.
2. « L’opt-out » : pour ceux qui ne veulent pas payer tout de suite
Deuxième nouveauté par rapport au dernier projet de texte de début juillet : si le contribuable ne veut pas que sa banque prélève la taxe (le précompte) à la source, il pourra faire état lui-même des plus-values réalisées dans sa déclaration fiscale. « L’avantage est que le contribuable ne devra pas se faire « siphonner » 10 % à chaque transaction. Autrement dit, il ne devra pas subir l’impôt immédiatement (il pourra attendre son avertissement-extrait de rôle, NdlR) et ne devra pas attendre 2 ans avant d’obtenir l’imputation/le remboursement du précompte mobilier », précise l’avocat de Bloom Tax. Si les montants sont importants, cela permettra de gagner du temps… et peut-être un peu d’argent.
Ceci dit, il n’est pas sûr que beaucoup de contribuables vont demander à leur banque de ne pas prélever le précompte mobilier à la source. « Il y a d’abord la charge administrative qui pèsera sur le contribuable. Ensuite, cela pourrait effrayer les contribuables qui craignent l’instauration d’une sorte de cadastre des patrimoines par le fisc, signale Me Philippe. Et, par ailleurs, le fisc garde toujours en réserve l’arme de la taxation des plus-values spéculatives à 33 %, qui n’est finalement pas passée à la trappe. Ainsi, l' »opt out » n’est pas nécessairement une bonne idée pour tous ceux qui ont encaissé de grosses plus-values et qui veulent garder un certain degré d’anonymat par rapport au fisc ».
3. Les intermédiaires, « auxiliaires » du fisc
Autre surprise : les conseillers fiscaux, avocats, experts-comptables, banquiers, estate planners, réviseurs…, donc les « intermédiaires financiers », devront en principe transmettre au fisc certaines informations concernant les plus-values réalisées lors de la cession d’une participation substantielle (20 %) dans une entreprise, d’une part, et les plus-values dites « internes », réalisées lors de la cession d’actions à une holding contrôlée par le cédant, d’autre part. Des plus-values qui ne feront pas l’objet d’un prélèvement à la source par les banques. « Les intermédiaires sont donc transformés d’une certaine manière en auxiliaires du fisc. Cela a fait grincer des dents au MR qui n’en voulait pas. Mais c’est quand même passé et c’est une petite victoire pour Vooruit », souligne Denis-Emmanuel Philippe.
4. Qui pourra évaluer une société ?
Autre point sensible : qui va pouvoir évaluer une société, avant le 1er janvier 2026 ? Là aussi, Vooruit a obtenu satisfaction : une exigence « d’indépendance » de l’expert-comptable a été ajoutée dans le compromis final. Dans une communication faite à ses membres, l’ITAA s’est penché sur l’interprétation à donner à cette condition d’indépendance et a adopté la position suivante : « toute personne agissant en tant que conseiller habituel du client n’est pas éligible ».
Doit-on douter systématiquement de l’indépendance de l’expert-comptable en pareille situation ? « Moi je ne le pense pas, estime l’avocat fiscaliste. Mais cette question va sans doute donner lieu à de nombreuses discussions dans les prochains mois ».
5. Malheur à celui qui revend 19,9 % d’une société
Toujours à propos de la revente d’une participation substantielle, un régime plus favorable (taux graduels allant 1,25 à 10 % jusqu’à 10 millions d’euros de plus-value) est prévu lorsque le vendeur détient une participation de 20 % dans une société. Mais rien de particulier n’a été mis en place pour ceux qui revendent une part de moins de 20 % dans une entreprise, comme le souhaitait pourtant le MR.
Ainsi, il ne sera pas possible de globaliser les participations à l’intérieur d’une même famille pour atteindre le seuil de 20 %, comme il en avait été un moment question. « On regardera uniquement le cas du cédant à titre individuel, indique Denis-Emmanuel Philippe. S’il ne possède pas plus de 20 % au moment de la vente, il tombera dans le régime de base et payera 10 % de taxe. Il est donc possible qu’il y ait, d’ici au 1er janvier 2026, des réorganisations, des transferts d’actions – par exemple entre les membres d’une même famille -, pour s’assurer que les actions d’une même société soient concentrées dans les mains de quelques personnes ayant chacune plus de 20 % ».
6. L’exit tax, finalement moins sévère que prévu
Dernier point : pour éviter des expatriations à des fins purement fiscales, le texte prévoit une « exit tax » pour celui qui transférera, à partir de 2026, sa résidence fiscale à l’étranger. « Mais, finalement, ce régime de l’exit tax a été assez fort assoupli et va s’avérer moins sévère que prévu, note Me Philippe. L’exit tax ne s’appliquera que si un contribuable quitte la Belgique après 2026 et revend ses actifs financiers dans les deux ans qui suivent. L’idée est donc de ne pas pénaliser tous ceux qui souhaitent quitter la Belgique, pour autant qu’ils attendent une période de deux ans avant de vendre leurs actifs financiers. Une période de deux ans ne me paraît pas excessive, eu égard aux régimes d’exit tax applicables chez nos voisins ».
Journaliste Nicolas Ghislain
Lire aussi l’article dans La Libre Eco
