2024/03/22: L’ Echo: ‘Le fisc serre la vis pour les expatriés’.

Depuis le changement, en 2022, du régime fiscal pour les expatriés, l’administration fiscale se montre plus regardante lors des contrôles portant sur les exercices antérieurs au nouveau régime.

L’administration fiscale semble vouloir remettre en cause le bénéfice de l’ancien régime expat de 1983 qui a été modifié par le législateur en 2022. C’est en tout cas ce qui ressort d’un récent jugement du tribunal de première instance de Bruxelles qui a donné raison au fisc contre un expatrié établi de longue date en Belgique.

Reprenons les choses depuis le début. Par la voie d’une circulaire administrative controversée de 1983, la Belgique offrait aux expatriés et cadres étrangers un régime fiscal particulièrement avantageux.

Son attrait principal résidait dans une fiction de non-résidence: les cadres en séjour temporaire en Belgique étaient considérés comme des « non-résidents », de sorte qu’ils étaient seulement imposés sur leurs revenus découlant de l’exercice de leur activité professionnelle en Belgique. Ainsi, leurs revenus professionnels hors Belgique n’étaient pas imposables en Belgique, de même que leurs revenus de source étrangère. Un vrai paradis fiscal!

La Cour des comptes avait émis de vives critiques à l’égard de ce régime, notamment sur l’absence de durée maximale. Certains cadres ont ainsi bénéficié du régime pendant plus de 20 ans.

Suite à cet arrêt de la Cour des comptes, le régime des cadres étrangers a été réformé. Le nouveau régime pour les contribuables impatriés et les chercheurs impatriés, entré en vigueur le 1er janvier 2022, abroge notamment cette fiction de non-résidence et limite le statut de contribuable impatrié à cinq ans (renouvelable pour trois ans). Un régime transitoire a été prévu jusqu’au 31 décembre 2023 pour éviter une fin brutale de ce statut très favorable.

Un jugement interpellant

Dans un jugement rendu le 5 avril 2023, mais qui n’avait pas fait l’objet d’une publication dans la presse fiscale spécialisée jusqu’ici, le tribunal de première instance de Bruxelles a donné raison au fisc contre un expatrié.

Le fisc avait refusé (pour l’exercice d’imposition 2018) le bénéfice de la circulaire de 1983 (notamment la fiction de non-résidence) à un cadre de nationalité française, qui réside en Belgique depuis 1984. Selon le fisc, les conditions de la circulaire de 1983 n’étaient plus respectées, en particulier le caractère « temporaire » du séjour en Belgique. Le tribunal a donné raison au fisc, considérant que l’expat avait bien établi sa résidence fiscale en Belgique.

Dans ce cas précis, l’expat s’est vu appliquer la taxe Caïman. Le fisc visait des revenus (100.000 dollars) recueillis par une construction juridique (une société située aux Bahamas) dont l’expat était le bénéficiaire économique. Les sommes en question avaient ensuite été versées sur un compte au Liechtenstein au nom de l’expat.

Un expat britannique aujourd’hui visé

Dans un autre jugement, rendu le 4 janvier 2023 par le même tribunal et publié lundi dernier (donc un an après) dans la base de données fiscales spécialisée TaxWin, un expat de nationalité anglaise, qui avait perdu le bénéfice de la circulaire de 1983 suite à un changement de contrat de travail, s’est également vu condamné à une amende pour avoir omis de déclarer une « construction juridique » (un trust).

« Cette jurisprudence confirme mon expérience et celle de bon nombre de confrères fiscalistes selon laquelle le fisc tente, dans certains dossiers, de remettre en cause le bénéfice de l’ancien régime expat de 1983 qui a été descendu en flèche par la Cour des comptes et qui a conduit le législateur à modifier le régime en profondeur », explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom.

Cette jurisprudence devrait intéresser pas mal de monde, en particulier les entreprises belges (appartenant à un groupe international) ayant recruté des cadres étrangers, mais aussi les cadres eux-mêmes bien entendu. Sont ici visés tous les cadres étrangers qui ont appliqué la circulaire de 1983.

« Certains font l’objet d’un contrôle fiscal, pour vérifier si toutes les conditions de la circulaire ont bien été remplies, ainsi que la réalité et le caractère professionnel des jours de travail à l’étranger, donc non imposables en Belgique. D’autres pourraient encore subir un contrôle », prévient Denis-Emmanuel Philippe.

La Belgique compte quelque 68.000 expatriés sur son sol.

Le résumé

  • Dans deux affaires, le tribunal de première instance de Bruxelles a donné raison au fisc contre un expatrié.
  • Dans un cas, l’ancien régime expat a été exclu en raison du fait que le séjour de l’expat n’était plus temporaire.
  • Dans l’autre, le régime expat a été écarté en raison d’un changement de contrat de travail.
  • Cette jurisprudence devrait intéresser les entreprises belges ayant recruté des cadres étrangers.

Journaliste Jean-Paul Bombaerts

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Journal digital _ L’Echo

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