2024/01/26: L ‘Echo: ‘Le fisc remporte une nouvelle manche contre la planification agressive.’

Obtenir l’exonération de dividendes ou d’intérêts versés à des holdings étrangères qui ne sont pas dotées d’une substance économique solide ne sera plus aussi facile.

Le fisc vient d’obtenir gain de cause dans une affaire de planification fiscale ‘agressive’, c’est-à-dire une construction mise en place afin d’éviter l’impôt en Belgique. En l’espèce, il s’agit de la taxation d’une distribution de dividendes d’environ 75 millions d’euros, faite par une holding belge vers sa société mère luxembourgeoise. La Cour de cassation a validé cette taxation dans un arrêt rendu le 30 novembre 2023 qui vient d’être publié.

Cet arrêt pourrait avoir des implications considérables pour les groupes belges qui font des paiements de dividendes ou d’intérêts vers des sociétés holding ou de financement étrangères », estime Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom.

Double structure holding

L’arrêt de la Cour de cassation fait suite à un arrêt rendu le 1ᵉʳ décembre 2020 par la cour d’appel de Gand à propos d’une planification fiscale internationale complexe échafaudée par un fonds de private equity américain. Cette planification mettait en scène une double structure holding, c’est-à-dire une holding belge détenue par une holding luxembourgeoise.

Le fisc a rejeté l’exonération de précompte mobilier sur une distribution de dividende de 75 millions d’euros faite par la holding belge au profit de la société luxembourgeoise. La cour d’appel de Gand a donné raison au fisc et condamné la holding belge à verser le précompte mobilier sur ce montant à l’État, en s’appuyant sur le principe d’interdiction de l’abus en droit européen. La cour d’appel a en effet considéré que le montage avait été mis en place dans le but précis d’échapper au précompte mobilier.

Pour Denis-Emmanuel Philippe, le message envoyé par les magistrats est sans équivoque: « Lorsqu’une exonération de précompte mobilier est sollicitée lors du versement de dividendes ou d’intérêts à une société étrangère, il faut que cette dernière poursuive un but autre que purement fiscal et exerce une réelle activité économique. »

Haro sur la planification agressive

Suite au pourvoi introduit contre cet arrêt, la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel de Gand. « Cet arrêt montre de manière éclatante que l’application du principe anti-abus de droit européen peut, dans certains cas, permettre au fisc belge de combattre certaines constructions ou planifications fiscales internationales ‘agressives’, même lorsque la première étape a été mise en œuvre à une époque où des mesures anti-abus n’étaient pas encore applicables dans notre droit fiscal interne », fait remarquer Denis-Emmanuel Philippe.

La mesure anti-abus de la directive mère-filiale est en effet entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2017 alors que la distribution de dividendes au centre de l’affaire qui nous préoccupe remonte à 2012.

Un arrêt important

Le fisc pourrait, selon l’avocat de Bloom, invoquer cet arrêt dans de nombreux dossiers, afin de refuser l’exonération de précompte mobilier sur des distributions de dividendes ou des versements d’intérêts par des sociétés belges vers des sociétés holdings ou de financement étrangères liées, en particulier lorsque celles-ci ne sont pas dotées d’une substance organisationnelle ou économique solide. « Gare donc à l’utilisation de sociétés intermédiaires passives », prévient-il.

Cet arrêt devrait d’ailleurs, selon lui, intéresser de nombreuses personnes. « Je pense aux responsables des départements fiscaux de multinationales, aux riches familles belges ayant des holdings (notamment luxembourgeoises) à l’étranger, aux fonds d’investissement structurant leurs acquisitions via des sociétés intermédiaires étrangères sans grande substance, etc. »

Le résumé

  • La Cour de cassation a validé la taxation d’une distribution de dividendes faite par une holding belge vers sa société mère luxembourgeoise.
  • L’arrêt considère que le montage avait été mis en place dans le but précis d’échapper au précompte mobilier.
  • C’est une victoire du fisc contre les dispositifs de planification fiscale ‘agressive’.
  • Cet arrêt devrait intéresser les riches familles belges ayant des holdings, notamment luxembourgeoises, à l’étranger

Journaliste Jean-Paul Bombaerts

Taxation dDividendes

 

Souhaitez-vous rester informé?

Abonnez-vous à la newsletter et recevez les derniers articles.



    ]