2024/01/08: Le Soir: ‘Une fondation néerlandaise, la Korys Academy… comment la famille Colruyt assure son héritage.’

En 1928, le boulanger Franz Colruyt s’est lancé dans le commerce de gros en denrées coloniales. Un siècle plus tard, l’entreprise a bien grandi. Toute comme la famille, qui assure avec soin la transmission aux générations futures.

Lsuccess story de la famille Colruyt commence en 1928, année où Franz Colruyt, un boulanger de Lembeek (près de Hal) décide de lancer un commerce de denrées coloniales. En moins d’un siècle, l’entreprise a bien grandi. La famille aussi. Le fondateur Franz a eu neuf enfants. Jo, son successeur à la tête de l’entreprise, six. Dont Jef, CEO du groupe jusqu’en juin 2023. Ce dernier est lui-même père de quatre enfants. Du beau monde et il ne s’agit là que d’une des branches de la famille !

Alors que la quatrième génération – incluant Griet Aerts – pointe le bout de son nez, les affaires se gèrent toujours en famille. Actuellement, une trentaine de ses membres travaillent d’ailleurs dans les différentes organisations du groupe. « Mais nous avons 40.175 employés dans notre univers. Les membres de la famille sont les bienvenus, mais il faut remplir les mêmes critères que les autres gens qui postulent, il n’y a pas de discrimination positive », relativise Griet Aerts, qui par ailleurs loue l’ancrage familial. « Cet alignement et cette vision à long terme, c’est vraiment une force. » Avec un regard plus extérieur, Dries Crevits abonde. « C’est la stabilité qui permet d’avoir une vie et une pérennité à long terme. C’est une condition sine qua non. Ce projet commun s’est construit à travers plusieurs générations, c’est quelque chose d’unique. » Difficile de lui donner tort.

Pour assurer la pérennité de ce patrimoine, une fondation néerlandaise a été créée. La manœuvre n’a rien d’exceptionnel et est même plutôt courante chez les familles fortunées belges. Preuve en est, avec Colruyt et sa fondation Cozin, qui regroupe les intérêts de 125 membres de la famille. Pour faire simple : les actionnaires de Korys ont transféré leurs actions à la fondation en échange de certificats. Une construction juridique qui permet de séparer la propriété juridique de la propriété économique. « La fondation est le propriétaire juridique des actions, alors que les détenteurs des certificats gardent les avantages économiques (tels que les dividendes) », recadre pour nous Denis-Emmanuel Philippe, avocat spécialisé en droit fiscal chez Bloom-Law et maître de conférences à l’Université de Liège. L’objectif de la manœuvre ? Sécuriser le capital familial et lui donner une voix alignée. Neuf membres de la famille (dont quatre sont également au conseil d’administration de Korys) sont chargés de définir la stratégie à long terme. La holding est chargée de la mettre en application.

Des mouvements financiers entre les deux entités

Chaque année, Korys verse environ six millions d’euros de dividendes vers sa maison mère (Cozin). Autre mouvement régulier : le rachat par Korys de ses propres actions lors d’une opération technique, qui permet de verser de l’argent aux détenteurs des certificats. « Il faut toutefois souligner que l’utilisation d’une telle fondation hollandaise n’est pas spécialement avantageuse fiscalement, puisque les détenteurs des certificats belges sont en principe taxés sur les dividendes ou les bonis de rachat d’actions propres recueillis par la fondation », développe Denis-Emmanuel Philippe. Griet Aerts justifie ces opérations. « L’entrepreneuriat implique toujours une logique de liquidités. La famille investit, il est normal que les dividendes et autres liquidités lui reviennent. Si l’on compare à d’autres familles entrepreneuses, cela reste peu. Nous réinvestissons la grande majorité des bénéfices. »

Plus de 125 membres de la famille sont aujourd’hui actionnaires au sein de la fondation. Quelle branche de la fratrie détient la plus grande part d’actions ? Sur ce point, Griet Aerts botte en touche. « Nous ne communiquons pas sur ce sujet. Avant, chaque branche de la famille travaillait avec des sociétés anonymes, mais l’idée de cette fondation était justement de rassembler toute la famille entreprenante au sein d’une même structure. La question des branches est devenue dérisoire. »

Un parcours pour former les générations futures

Par ailleurs, cette fondation n’est pas le seul outil mis en place pour assurer la pérennité de ses activités et valeurs au gré des générations. Aussi, la Korys Academy a été développée. Ouverte aux employés de Korys et aux membres de la famille, elle organise plusieurs fois par an des visites informelles d’entreprises où des investissements ont été menés. Les nouvelles générations, elles, doivent également suivre une formation avant de recevoir les actions de leurs parents. « C’est un parcours assez intense pour qu’ils comprennent vraiment les entreprises dans lesquelles nous investissons. Cela comprend surtout des visites des sociétés, une formation sur la lecture des comptes, des rencontres avec le management. Le but est qu’ils puissent vraiment se connecter avec ce qui a déjà été fait », expose Aerts.

Journaliste Julien Bialas

 

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