2023/12/07: L ‘Echo: ‘Double précompte franco-belge: le fisc perd en cassation’.

Selon la Cour de cassation, la QFIE s’applique aux dividendes français précomptés, mais non déclarés en Belgique. Le fisc devrait rembourser des investisseurs.

Bonne nouvelle pour les investisseurs qui ont perçu des intérêts ou dividendes français ces dernières années. Dans deux arrêts prononcés le 23 novembre, dont L’Écho a pu prendre connaissance, la Cour de cassation a décidé qu’il n’était pas nécessaire que les contribuables aient mentionné leurs revenus mobiliers d’origine française dans leur déclaration fiscale pour pouvoir obtenir le remboursement d’une partie du précompte mobilier subi en Belgique.

Cette décision donne tort à l’administration fiscale qui exigeait que les contribuables aient déclaré ces intérêts ou dividendes français pour pouvoir obtenir un remboursement d’impôt. Par conséquent, les investisseurs belges ayant perçu des revenus mobiliers français précomptés en Belgique, mais non déclarés devraient pouvoir réclamer et obtenir une ristourne fiscale.

L’origine de cette affaire vient d’une situation de double imposition: quand un investisseur belge perçoit le dividende d’une action française, ce revenu est d’abord taxé en France, mais il subit ensuite aussi l’impôt belge. C’est le « double précompte franco-belge ».

Pour limiter cette surtaxation, la convention préventive de double imposition conclue entre la Belgique et la France permet aux Belges détenant des titres français de déduire de leur impôt belge un montant d’impôt français fixé forfaitairement, dénommé « quotité forfaitaire d’impôt étranger » ou QFIE.

Administration fiscale intransigeante

L’administration fiscale belge a longtemps refusé l’imputation de cette QFIE sur l’impôt belge sur les dividendes français. Dans des arrêts rendus en 2017 et 2020, la Cour de cassation avait déjà rappelé le fisc à l’ordre à ce sujet. En conséquence, depuis 2021, l’administration permet que les investisseurs belges, en mentionnant les intérêts ou dividendes de leurs titres français dans leur déclaration fiscale, obtiennent l’imputation, sur l’impôt appliqué à ces revenus, de la QFIE, laquelle s’élève à 15% du montant net desdits revenus.

Mais pour les intérêts et dividendes antérieurs à cette procédure, que les contribuables n’avaient logiquement pas mentionnés dans leur déclaration fiscale puisqu’ils avaient subi le précompte mobilier, l’administration s’est montrée intransigeante, en se basant sur une règle belge excluant toute imputation sur l’impôt lié à des revenus non déclarés. De la sorte, le fisc rejetait toute réclamation pour les années antérieures à 2021.

Cette position de l’administration fiscale a été contestée en justice, ce qui a abouti aux deux arrêts de cassation rendus à la fin novembre. « Même quand l’impôt sur les revenus mobiliers d’origine française recueillis par des résidents belges est perçu exclusivement par voie de précompte mobilier (c’est-à-dire sans mention dans la déclaration fiscale, NDLR), la Belgique est obligée d’accorder une quotité forfaitaire d’impôt étranger », souligne la Cour de cassation en se basant sur la primauté de la convention franco-belge sur les règles légales internes de la Belgique.

Conséquences pratiques

« On peut espérer que l’administration entendra raison et s’inclinera devant cette position non équivoque de la Cour de cassation », analyse Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law. « Il serait très surprenant que l’administration ne range pas les armes, d’autant plus qu’il n’y a pas un seul arrêt, mais déjà deux! »

Cette jurisprudence de cassation devrait avoir des conséquences pratiques pour les investisseurs qui ont recueilli des revenus mobiliers français précomptés, mais non déclarés. « Il en va en particulier ainsi pour ceux qui ont entamé des procédures en vue d’obtenir l’imputation de la QFIE via une demande de remboursement du précompte mobilier, et qui se sont heurtés jusqu’à présent à un refus du fisc », explique Me Philippe. « Des centaines de contribuables ont introduit un recours en justice en vue d’obtenir un remboursement du précompte prélevé sur des dividendes reçus, en particulier durant la période allant de 2013 à fin 2019. On peut espérer que l’administration acceptera de signer des conclusions d’accord dans toutes ces procédures en cours. »

Quant aux investisseurs qui n’ont pas exercé de recours, « ils pourraient à présent envisager d’introduire, d’ici au 31 décembre 2023, une demande de remboursement du précompte excédentaire pour ce qui concerne les dividendes recueillis depuis le 1er janvier 2019 », précise Denis-Emmanuel Philippe. La procédure de dégrèvement d’office, applicable en la matière, permet en effet de remonter cinq ans dans le passé. La balle est ainsi renvoyée dans le camp du fisc.

Le résumé

  • La Cour de cassation donne raison aux contribuables face au fisc en matière de double précompte franco-belge.
  • La Belgique doit accorder la déduction d’une quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) dans ce cas de figure.
  • Le fisc ne peut pas exiger que les revenus mobiliers aient été déclarés au préalable.
  • Ceux qui n’ont pas encore réclamé un remboursement devraient le faire avant fin 2023.

Journaliste Philippe Galloy

L’Echo 07 12 2023 Denis-Emmanuel Philippe

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