2023/10/20: Trends Tendances: Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law) : “Les chances de voir arriver une DLU 5 me paraissent extrêmement réduites” .

L’avocat-fiscaliste, Denis-Emmanuel Philippe commente les bruits de couloir circulant à propos d’une nouvelle amnistie fiscale qui pourrait prochainement voir le jour.

L’idée d’une cinquième amnistie fiscale est dans l’air. De quoi parle-t-on exactement ?

Le troisième plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale prévoit l’instauration d’un prélèvement de 45 % sur les capitaux fiscalement prescrits à partir du 1er janvier 2024, soit après la fin de la DLU quater. Ce prélèvement a deux facettes. D’un côté, l’administration pourrait infliger ce prélèvement lors d’un contrôle fiscal, si elle constate l’existence de capitaux fiscalement prescrits. Exemple ? Le fisc constate qu’un particulier a un compte à l’étranger (au Luxembourg ou en Suisse) ouvert dans les années 80, sur lequel sont logés des capitaux fiscalement prescrits qui n’ont pas subi leur régime d’imposition. Il pourrait alors taxer ces capitaux à ce nouveau taux inédit de 45 %. D’un autre côté, le « fraudeur » se voit reconnaître le droit de déclarer spontanément ses capitaux fiscalement prescrits et de payer le prélèvement de 45%. Ce qui revient en quelque sorte à instaurer une cinquième amnistie (DLU 5).

Le champ d’application de ce nouveau prélèvement est donc assez limité ? 

Il frappe uniquement les capitaux fiscalement prescrits qui ont été rapatriés en Belgique à partir du 1er août 2016 (soit après la DLU quater) ou qui se trouvent toujours logés dans des banques à l’étranger. On peut en déduire, et c’est un point fort important, que les capitaux rapatriés par exemple dans la foulée d’une DLU bis ne peuvent pas bénéficier de cette DLU 5. Or, selon la Cour des comptes, plus de 40 milliards d’euros de capitaux ont été rapatriés sur des comptes belges dans le cadre des amnisties précédentes. A noter aussi que ce prélèvement n’a vocation à s’appliquer que si le parquet décide de ne pas poursuivre pénalement.

Ce nouveau grand pardon fiscal et pénal a-t-il vraiment des chances de voir le jour ?

Les chances que ce projet passe me paraissent extrêmement réduites. De nombreux partis de la majorité s’opposent fermement à l’instauration de cette nouvelle DLU 5. Les partis de gauche s’opposent par principe à la reconnaissance d’un nouveau droit de repentir : les fraudeurs ont déjà suffisamment eu l’occasion de faire leur mea culpa sous l’empire des vagues de DLU précédentes. Quant aux partis de droite, ils craignent que l’instauration d’un nouveau prélèvement de 45% sur des capitaux fiscalement prescrits ne donne lieu à des situations injustes (par exemple en cas de détention de capitaux fort anciens, dont on ne sait plus prouver qu’ils ont subi leur régime d’imposition, faute de preuves).

Quel conseil dès lors donneriez-vous à ceux qui ont encore des capitaux à régulariser ?

Pour ceux qui détiendraient encore des capitaux non déclarés, l’introduction d’une DLU quater avant la fin de l’année 2023 me paraît vivement conseillée. Il en va particulièrement ainsi pour ceux qui auraient encore des capitaux fiscalement prescrits.  Quelle peut-être l’utilité de régulariser des capitaux fiscalement prescrits, c’est-à-dire des capitaux que le fisc ne peut plus taxer ? La réponse relève du droit pénal : des poursuites pénales pour blanchiment restent théoriquement possibles, même si les capitaux sont fiscalement prescrits. La DLU quater offre en effet une immunité fiscale et pénale, ce qui signifie que le fisc ne pourra plus venir taxer les revenus régularisés, et que le contribuable qui se sera repenti bénéficiera d’une exonération de poursuites pénales pour fraude fiscale, faux fiscal et blanchiment des avantages tirés de ces infractions.

#DLU #amnistie #fiscal #pénal #blanchiment

Denis-Emmanuel Philippe 

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