2023/10/12: L’ Echo: Budget 2024: le gouvernement met la bride sur la planification fiscale agressive.

Le gouvernement entend mieux encadrer la planification fiscale internationale, en réactivant deux mesures anti-abus portant sur le transfert à l’étranger de bénéfices imposables.

Dans son budget 2024, le gouvernement fédéral a décidé de réactiver certaines mesures anti-abus qui avaient été mises en veilleuse depuis une dizaine d’années par la Cour de justice européenne. Ces mesures anti-abus ont pour objectif de déjouer les stratégies de planification fiscale internationale, qui consistent pour une société belge à transférer des bénéfices imposables vers des juridictions où la fiscalité est plus faible qu’en Belgique.

Sont particulièrement visés les articles 54 et 344, §2 du Code d’impôts sur les revenus (CIR). L’article 54 du CIR soumet à des conditions fort strictes la déduction d’intérêts, de redevances ou de rémunérations de prestations payés à des sociétés bénéficiant d’un régime de faveur. L’article 344, §2 du CIR instaure quant à lui un régime d’inopposabilité des transferts d’actifs vers des sociétés bénéficiant d’un régime de faveur. Objectif: d’éviter que des contribuables belges puissent échapper à l’impôt belge, en transférant des biens productifs de revenus imposables (actions, obligations ou droits de propriété intellectuelle par exemple) à une société étrangère bénéficiant d’un régime fiscal privilégié.

Jusqu’ici, ces dispositions sont restées lettre morte, en raison d’un problème de violation du droit européen. Dans un célèbre arrêt SIAT rendu en 2012, la Cour de justice européenne a jugé que l’article 54 constituait une restriction illicite à la libre circulation des services au sein de l’Union. Le raisonnement de la Cour peut être transposé à l’article 344, §2. De leur côté, les cours et tribunaux en Belgique ont refusé à plusieurs reprises d’appliquer ces deux dispositions. « L’État belge perd ainsi de précieuses recettes fiscales, puisqu’il ne parvient pas à appliquer efficacement ces mesures anti-abus », relève Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom et maitre de conférences à ULiège.

Au contribuable de prouver

Pour remédier au problème, le gouvernement a décidé que seules seront désormais visées les transactions entre sociétés liées. Il prévoit en outre que seules sont visées les transactions avec des entreprises étrangères qui sont soumises à un impôt inférieur à la moitié de l’impôt qui aurait été dû si l’entreprise avait été belge. C’est au contribuable d’en apporter la preuve.

Exemple: si une société belge verse des intérêts à une société suisse liée bénéficiant d’un régime de faveur (imposée à 12,5%, soit la moitié de l’impôt des sociétés en Belgique), l’article 54 du CIR pourra jouer. Par contre, si la société belge est en mesure de démontrer que les intérêts en question sont soumis à un taux effectif supérieur à 12,5% dans le chef de la société suisse, l’article 54 du CIR sera mis hors-jeu. Dans les deux dispositions, le contribuable peut échapper à la mesure anti-abus, s’il prouve que l’opération en question est réelle ou sincère, et donc pas artificielle. C’est logique, estime Denis-Emmanuel Philippe: « La vocation de ces mesures anti-abus est de combattre les schémas de planification fiscale agressive, et pas de freiner les opérations motivées par des considérations économiques ou financières réelles. » La réactivation de ces mesures anti-abus devrait rapporter 22,5 millions d’euros. Enfin, le gouvernement a tenu à élargir l’article 344, §2, CIR 92, en ajoutant que sont visés tant les transferts d’actifs directs qu’indirects. Transférer un actif à une société pleinement imposée, qui retransfèrerait à son tour l’actif en question à une société faiblement taxée, ne permettrait ainsi plus d’échapper à l’article 344,§2 CIR. La réactivation de ces mesures anti-abus devrait, selon les calculs du gouvernement, rapporter 22,5 millions d’euros de recettes supplémentaires à partir de 2024.

Le résumé

  • Le gouvernement a réactivé deux mesures anti-abus portant sur le transfert à l’étranger de bénéfices imposables.
  • Seules seront admises les transactions entre sociétés liées.
  • Le contribuable peut échapper à la mesure anti-abus, s’il prouve que l’opération est réelle et pas artificielle.
  • La réactivation de ces mesures anti-abus devrait rapporter 22,5 millions d’euros de recettes en plus.

Journaliste Jean-Paul Bombaerts

Journal digital _ L’Echo.pdf 13 10 2023

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