2023/09/26: L’ Echo: ‘Moins de liberté pour le fisc dans ses contrôles à domicile’.

Moins de liberté pour le fisc dans ses contrôles à domicile.

La Cour de cassation a jugé que le consentement du contribuable lors d’un contrôle à domicile devait être « permanent ». Le contrôle peut donc prendre fin à tout moment. C’est un arrêt qui fait grand bruit chez les fiscalistes. En juin dernier, la Cour de cassation a jugé que la visite fiscale de domiciles privés ou de locaux habités requérait le consentement du contribuable. « Ce qui est particulièrement important, c’est qu’elle a aussi précisé que le consentement du contribuable devait être permanent », précise Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom. Son confrère Thierry Litannie, avocat chez Lawtax, confirme: « Cet arrêt change quelque chose, car l’administration fiscale a toujours soutenu qu’à partir du moment où quelqu’un (partenaire, enfant, etc.) donnait son consentement pour une visite domiciliaire, elle pouvait tout avoir et tout utiliser. Selon l’arrêt, c’est le consentement du contribuable qui doit être obtenu, et celui-ci peut être retiré à tout moment ». Le contribuable a donc le droit de demander à l’administration d’interrompre la visite quand il le souhaite.

Favorable aux fraudeurs?

Du côté des fonctionnaires de l’administration, « certains soutiennent que cet arrêt va favoriser les fraudeurs, qui pourront désormais inviter les fonctionnaires à prendre la porte de la sortie, dès que ceux-ci se montreraient trop curieux ou zélés lors d’un contrôle fiscal surprise », relate Denis-Emmanuel Philippe, qui estime que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation « ne leur donne pas tout à fait tort ». Il s’agit d’un contrôle fiscal surprise mené par le fisc au domicile de l’administrateur d’une société active dans la vente de voitures. L’administration disposait d’indices de fraude fiscale (un tableau Excel contenant des bénéfices au noir retirés de la vente de voitures), raison pour laquelle elle a sollicité une autorisation auprès du tribunal de police pour mener une visite au domicile privé de l’administrateur (le domicile privé se trouvant au même endroit que le siège de la société). C’est au cours de cette visite qu’elle a trouvé, dans un container à déchets, des reçus de montants en cash. Le contribuable a alors demandé au fisc d’interrompre la visite, ce que les fonctionnaires ont refusé de faire.  Il avait enregistré la conversation sur son téléphone. « À suivre cette nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, les fonctionnaires devraient interrompre la visite lorsque le contribuable se rétracte », poursuit l’avocat.

Respect de la vie privée

« Est-ce un arrêt favorable aux fraudeurs? Non, il faut simplement que tout le monde respecte la loi. Si le contribuable donne son consentement, l’administration peut utiliser tout ce qu’elle trouve. Il faut donc être très vigilant. Étant donné que les textes de loi sont peu clairs, cela peut poser problème lorsque le fonctionnaire de l’administration n’est pas scrupuleux », estime Thierry Litannie. « Cet arrêt de la Cour de cassation – qui fait honneur au principe de respect de la vie privée – est assurément une bonne nouvelle pour les contribuables », estime de son côté Denis-Emmanuel Philippe.

Règles

Dès lors, quels sont désormais les droits du fisc en matière de contrôles fiscaux à domicile? Les fonctionnaires peuvent pénétrer dans le domicile privé du contribuable (ou dans les locaux professionnels qu’il habite) pour mener des actes d’investigation tels que: ouvrir les armoires et les tiroirs, allumer l’ordinateur et transférer des données, visiter les locaux privés, etc. Ceci entre 5h et 21h. Si le contribuable s’oppose à cette visite dès l’arrivée des fonctionnaires, ils ne peuvent pas forcer la visite. Et ils doivent partir si le contribuable se rétracte en cours de route. « Dans ce cas, le fisc peut déposer plainte auprès d’un juge d’instruction. Il peut en outre infliger une amende administrative au contribuable. Depuis novembre 2022, la loi l’autorise également à demander en justice la condamnation du contribuable au paiement d’astreintes », prévient Thierry Litannie.

Journaliste Isabelle Dykmans 

Journal digital _ L’Echo.pdf 26 09 2023 Denis-Emmanuel Philippe

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