L’avocat Thierry Lauwers a également été contacté par des crypto-investisseurs qui cherchent à régulariser leurs gains : « Au cours des dernières années, j’ai rentré une série de DLU pour le compte d’investisseurs en crypto. Récemment, avec l’approche de la clôture de la DLU4, ça s’est accéléré », indique Thierry Lauwers. « Les gens ont peur du contrôle fiscal et ils veulent pouvoir transmettre leurs gains à la prochaine génération », souligne l’avocat. La déclaration libératoire unique permet au contribuable de régulariser de l’argent dont il ne peut pas clairement établir l’origine. Pour en bénéficier, l’investisseur en crypto doit s’acquitter d’un impôt de 33 % (revenus divers) ou 50 % (revenus professionnels), majoré de 25 %.
DLU: pas la panacée
Ce n’est donc pas forcément la formule la plus avantageuse, estime Denis-Emmanuel Philippe : « En cas de contrôle fiscal, l’investisseur risque un redressement égal à l’impôt éludé, majoré d’un accroissement qui devrait en principe être de 10 % de l’impôt. » L’accroissement majoré de 50 % en cas de fraude fiscale ne devrait pas être applicable, estime l’avocat, « vu le flou entourant le régime fiscal des crypto-actifs ». « L’investisseur pourrait s’en sortir à meilleur compte avec un contrôle fiscal qu’avec une DLU quater, qui est fort onéreuse », conclut Denis-Emmanuel Philippe.
Florian Ernotte a lui aussi reçu des clients qui souhaitent bénéficier de la DLU pour régulariser leurs bénéfices en crypto. Mais l’avocat ne leur conseille pas de faire appel à cette procédure. « Il est possible de démontrer au fisc que les investissements en crypto sont traçables. De plus, certains investissements en crypto peuvent avoir été réalisés dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine et ne sont donc pas taxables. Une DLU, par contre, risque de coûter très cher au contribuable », prévient Florian Ernotte.
Par contre, l’avantage de la DLU, c’est qu’elle aboutit sur une attestation de régularisation. Ce document officiel peut être produit par l’investisseur en crypto auprès de sa banque. C’est un point positif dans le dossier de l’investisseur qui cherche à convaincre sa banque que ses fonds sont bien licites. « Certaines banques demandent même au client d’introduire une DLU », indique Thierry Lauwers.
Du côté de Belfius, on confirme que l’attestation de régularisation est un élément positif dans le cadre de l’analyse de dossiers concernant des gains en cryptomonnaies. « L’analyse de rapatriements en cryptomonnaies reste complexe. Toute hypothétique acceptation de tels fonds se basera sur un ensemble d’éléments et de documents – qui peuvent inclure un document DLU produit par l’investisseur – permettant à l’institution financière de respecter ses obligations de vigilance dans le contexte de la législation anti-blanchiment, en écartant, avec une assurance raisonnable, le risque de fraude ou de blanchiment d’argent », explique-t-on chez Belfius.
Banques frileuses
Les banques restent donc très frileuses concernant les gains réalisés sur des plateformes crypto. Dans le cadre de leur politique de gestion des risques, elles préfèrent souvent écarter ce type de transaction.
Mais ce n’est pas le cas de toutes les banques. Du côté de la banque privée Edmond de Rothschild, on accepte les gains en crypto, pour autant que la traçabilité des transactions soit assurée. « Nous faisons appel à des partenaires sérieux disposant de logiciels de traçabilité qui analysent les mouvements sur la blockchain. Si toutes les transactions peuvent être retracées, nous acceptons les fonds », indique Stéphane Wathier, CEO de la banque Edmond de Rothschild.
Le résumé
- La nouvelle directive DAC8, qui vient de passer au Parlement européen, imposera l’échange d’informations entre administrations fiscales sur les transactions crypto.
- Des investisseurs en crypto paniquent et cherchent à régulariser leurs gains par tous les moyens.
- Certains demandent une DLU afin de montrer patte blanche au fisc.
- En régularisant leurs avoirs, les investisseurs peuvent également plus facilement convaincre les banques d’accueillir leurs gains en crypto.
Journaliste Gilles Quoistiaux