2023/03/09:L’ Echo: ‘La réforme des rulings fiscaux à nouveau sur la table’.

Dans sa proposition de réforme fiscale, le ministre des Finances a inclus la réforme du système des rulings fiscaux, à laquelle il travaille depuis longtemps.

Parmi les chapitres de la réforme fiscale proposée par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem, se trouve la réforme du système des rulings fiscaux, ces décisions anticipées qui déterminent la manière dont les règles fiscales vont être appliquées à une entreprise particulière ou à une opération à venir. La volonté du ministre? Augmenter la sécurité juridique dans ce domaine, pour rendre la Belgique plus attractive pour les investisseurs.

Cela fait plus de deux ans déjà que le ministre des Finances travaille à cette réforme, mais sans avoir réussi à la faire passer jusqu’ici. Il y a eu quelques cas très médiatisés de conflits entre le service des décisions anticipées, qui octroie ces rulings, et l’Inspection spéciale des impôts (ISI), qui fait partie du SPF Finances. Or si l’un des services fiscaux conteste l’accord qu’une autre autorité fiscale a conclu, la sécurité juridique n’est plus garantie.

Dans le giron du SPF Finances

Le ministre des Finances prévoit dès lors de transformer le Service des décisions anticipées, ainsi que le Service de conciliation fiscale, en une nouvelle administration générale du ruling et de la conciliation fiscale intégrée au SPF Finances, alors qu’elle est aujourd’hui indépendante. Surtout, pour éviter les contestations ultérieures, il est prévu une concertation préalable entre l’administration du ruling et les autres services opérationnels du SPF Finances, comme l’administration générale de la fiscalité et l’Inspection spéciale des impôts.

Le projet prévoit que chaque fois que l’administration du ruling recevra une demande de décision anticipée, elle devra la communiquer à un point de contact central, qui le relayera aux différents services opérationnels. Si un contrôle est en cours ou un litige existe, une décision anticipée ne pourra être rendue.

Un mois pour un avis préliminaire

Si pas, ces services auront un mois pour communiquer leur avis préliminaire. En cas d’absence d’avis négatif, l’ensemble des services du SPF Finances seront liés par la décision anticipée.

Si les services opérationnels le souhaitent, une procédure de concertation formelle d’un mois supplémentaire sera mise en place pour aboutir à un point de vue commun avec l’administration du ruling. En cas d’absence d’accord, l’administration du ruling peut prendre une décision motivée et définitive, en tenant compte des points de vue exprimés par les différents services, une décision qui lie l’ensemble des administrations du SPF Fiances.

Cette concertation préalable présente un avantage indéniable: les contribuables ne devraient plus voir leurs rulings remis en cause par leur contrôleur local, ce qui renforce la sécurité juridique, même si les rulings remis en cause restaient à ma connaissance peu nombreux », réagit Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom Law. Il n’exclut toutefois pas que le service des décisions anticipées dispose de moins d’autonomie à l’avenir, et se montre plus frileux à octroyer certains rulings lorsqu’il y a divergence de vue avec les services centraux.

Une augmentation de l’insécurité juridique?

Matthieu Possoz, avocat fiscaliste et conseiller au MR, est beaucoup plus négatif. « L’indépendance du service des décisions anticipées était un gage de la qualité de ses décisions. Son intégration dans l’administration pose un problème philosophique: une série de services dont ce n’est pas le métier, notamment des services de contrôle, vont avoir leur mot à dire dans les décisions anticipées, ce qui n’est pas logique. » Il craint aussi que cette réforme ne pose un problème d’efficacité, en ne permettant plus de décisions aussi rapides dans le cas de grosses opérations urgentes.

Un autre point particulier lui pose problème: les cas dans lesquels les décisions anticipées ne seront plus valables seront étendus, notamment si l’interprétation donnée par le ruling va à l’encontre d’un arrêt ultérieur de la Cour de cassation, du Conseil d’État, de la Cour constitutionnelle ou de la Cour de justice de l’Union européenne. « De ce point de vue, c’est effectivement une augmentation de l’insécurité juridique, juge Denis-Emmanuel Philippe. Mais il ne s’agit que d’un bémol : dans l’ensemble, la réforme prévue rendra la procédure plus lourde, mais plus sûre. »

Journaliste Christine Scharff

Journal digital _ L’Echo 09 03 2023 article 1

 

Souhaitez-vous rester informé?

Abonnez-vous à la newsletter et recevez les derniers articles.



    ]