2022/12/06: L’Echo: ‘La Vivaldi veut doubler le taux minimum de taxation des sociétés’.

Cette disposition belgo-belge touchera aussi les PME, à partir d’un bénéfice imposable de 1 million d’euros.

À l’occasion de sa réforme de l’impôt des sociétés (Isoc), le gouvernement Michel avait mis en place une sorte d’impôt minimum à charge des entreprises. Il s’agissait de compenser la perte budgétaire liée à l’abaissement du taux de l’Isoc (de 33,99 % vers 25 %).

Pour ce faire, la « Suédoise » avait introduit certaines limites au niveau de la déductibilité de plusieurs déductions fiscales. Les entreprises avec une base imposable de maximum 1 million d’euros ne sont pas du tout concernées par cette réforme, intervenue au cours de l’exercice d’imposition 2019. En revanche, celles avec un bénéfice imposable supérieur à 1 million d’euros se sont vu imposer certaines limites en termes de déductions fiscales.

Ces limites concernent les pertes fiscales reportées ; les déductions pour revenus d’innovation reportées ; les « revenus définitivement taxés » (rdt) reportés… Ainsi, 30 % du bénéfice imposable (au-delà de 1 million d’euros) ne peut plus être épongé par les déductions fiscales précitées. Ces 30 % étant taxés à 25 %, cela aboutit à un taux minimum d’imposition de 7,5 %.

En réalité, ce taux minimum n’est pas absolu. Certaines entreprises peuvent donc payer moins que 7,5 % d’impôts, en utilisant certaines déductions fiscales encore pleinement déductibles.

De Croo veut doubler la mise

Via la loi-programme, qui sera débattue ce mardi à la Chambre, la Vivaldi entend faire passer de 30 à 60 % la part des bénéfices imposables sur laquelle les déductions fiscales précitées ne pourront plus être appliquées. Cela ferait passer l’actuel taux minimum de 7,5 % à 15 %. La loiprogramme prévoit que cette mesure exceptionnelle sera d’application sur les bénéfices imposables de l’année 2023 (exercice d’imposition 2024).

Il s’agit donc, a priori, d’une mesure temporaire. En effet, la Vivaldi a prévu de revenir en arrière en cas d’accord international en faveur d’un taux d’imposition minimal des multinationales. Pour rappel, cette réforme ne fait pas encore l’objet d’un consensus international. Les ministres européens des Finances doivent d’ailleurs se rencontrer à ce sujet, ce mardi. Mais la Hongrie a déjà menacé de ne pas soutenir la réforme.

En attendant l’accord international, la Vivaldi a donc avancé sa propre mesure. Depuis les bancs de l’opposition, le député PTB Marco Van Hees se montre trèscritique. « Le taux minimum de 7,5 % du  gouvernement Michel ne fonctionne pas, déclare-t-il. Le principe étant le même, le taux minimum de 15 % de la Vivaldi ne fonctionnera pas non plus. »

Et de donner quelques exemples de sociétés belges qui paient moins que 7,5 % d’impôts, grâce aux déductions fiscales qui restent pleinement autorisées. Selon le député PTB, AB InBev a payé 0,1 % d’impôt en 2021, contre 0,004 % pour D’Ieteren, 3,1 % pour Janssen Pharmaceutica ou 0 % pour Kingfisher International Finance. Selon lui, la Vivaldi n’atteindra donc pas 15 %
d’impôts pour de nombreuses entreprises établies en Belgique.

Un champ d’application beaucoup plus large

De son côté, l’avocat fiscaliste Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law) estime que minimum 10 000 entreprises belges vont être touchées par la mesure imaginée par le gouvernement De Croo. En outre, il ne s’agira pas du même type d’entreprises que celles visées par l’impôt minimum à charge des multinationales (pour lequel un seuil d’application de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires est prévu).

« Contrairement au taux minimum d’imposition mondial pour les groupes multinationaux, toutes les sociétés belges, peu importe leur taille, sont potentiellement visées par cette mesure, déclare Denis-Emmanuel Philippe. Une exception existe néanmoins : les pertes reportées des sociétés débutantes ne sont pas frappées par cette limitation pour une période de quatre ans après leur constitution.

 » Selon cet expert, les entreprises belges ayant cumulé des pertes dans le passé vont payer davantage d’impôts. « Elles espéraient pouvoir utiliser pleinement ces pertes reportées pour éponger leurs bénéfices imposables futurs » , explique-t-il. Il y en a beaucoup dans le secteur bancaire, mais aussi dans tous les secteurs qui ont subi des pertes lors de la crise du coronavirus. Les sociétés innovantes, qui disposent de déductions pour revenus d’innovation reportées, sont aussi visées.

Selon une question parlementaire posée au ministre des Finances, l’impôt minium, décidé par le gouvernement Michel, a généré un rendement budgétaire de 392 millions d’euros en 2019. « En doublant le taux, le gouvernement entend obtenir 286 millions d’euros, ajoute DenisEmmanuel Philippe. Ce n’est pas rien.

 » Pas de quoi convaincre le député Marco Van Hees, selon qui le rendement budgétaire du taux minimum serait nettement plus important s’il ne souffrait pas d’exceptions.

Journaliste Laurent Lambrecht

Brabant Wallon – LB- 06 12 2022

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