2022/10/19:L’ Echo: ‘Réforme fiscale: les sept mesures qui pourraient rapidement atterrir sur la table du gouvernement’.

Hausse de la quotité exemptée d’impôts, suppression progressive du quotient conjugal, imposition des cartes carburant, mais aussi gros changement pour les holdings familiales: voici ce qui serait au menu de la réforme fiscale.

Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) doit remettre son projet de réforme fiscale pour le mois de décembre. Selon La Libre et LN24 – qui ont lu un premier document -, il s’orienterait vers une hausse de la quotité exemptée d’impôts et la suppression de certaines niches ou avantages fiscaux. Le texte, qui ressemble à une première étape étant donné qu’une série de mesures dont il était question cet été n’apparaissent plus – n’a pas encore été soumis au gouvernement.

Quelles sont les mesures sur la table et que signifient-elles pour le contribuable?

1/ Hausse de la quotité exemptée d’impôts

Chaque contribuable a droit à une quotité exemptée d’impôts. Ce montant – 9.270 euros pour l’année 2022, exercice 2023 – serait relevé à 13.540 euros.

Cette exonération concerne les revenus qui tombent dans la tranche d’imposition la plus basse: celle de 25%. Cela signifie que, au lieu d’économiser 2.317 euros, le contribuable en économiserait 3.385 (25% de 13.540 euros). Soit un gain de 1.068 euros par an.

2/ Barrières à l’entrée du régime « RDT » pour les holdings

Si cela se concrétise, la réforme envisagée pour le régime des RDT (revenus définitivement taxés) est une mauvaise nouvelle pour les holdings familiales. De fait, actuellement, les dividendes recueillis par une société (holding) et les plus-values sur action peuvent être exonérés à l’impôt des sociétés à certaines conditions: c’est le régime des RDT. Parmi celles-ci, figure la condition de participation minimale. Il faut que la société mère détienne une participation « importante » dans sa filiale: elle doit soit représenter 10% du capital de la filiale, soit avoir une valeur d’acquisition minimale de 2,5 millions d’euros.

Le ministre des Finances semble à présent vouloir assortir la condition de participation minimale de 2,5 millions d’une nouvelle condition: que la participation ait la nature d’une immobilisation financière. Or, « l’impact pratique de cette mesure ne peut être sous-estimé », explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom Law. De fait, « la Belgique regorge de holdings patrimoniales – détenues par des riches familles belges – investissant dans des portefeuilles d’actions cotées, composés de lignes d’investissements de plus de 2.500.000 euros. Les dividendes et les plus-values sur actions échappent en principe à l’impôt des sociétés grâce au régime des RDT. Ce critère alternatif (valeur d’acquisition minimale de 2,5 millions d’euros) est d’une importance considérable pour toutes les sociétés (holding) qui ne détiennent pas des participations représentant au moins 10% du capital de leurs filiales ».

Si cette condition de participation minimale de 2,5 millions d’euros est assortie d’une condition d’immobilisation financière, de nombreuses holdings patrimoniales pourraient perdre le bénéfice du régime des RDT, et se faire taxer à l’ISOC (au taux de 25%) sur les dividendes recueillis/plus-values sur actions réalisées.

En effet, les participations représentant moins de 10% du capital des filiales ne pourront souvent pas être qualifiées d’immobilisations financières; elles seront plutôt rangées dans la catégorie des placements de trésorerie. « Ce qui caractérise en effet une immobilisation financière est la présence d’un lien durable et spécifique, visant à contribuer à l’activité propre de la société. Une participation dans une société cotée atteignant plusieurs millions d’euros pourrait se voir refuser la qualification d’immobilisation financière, au motif qu’elle ne confèrerait pas de lien durable et spécifique ou ne permettrait pas de développer l’activité propre de la société », conclut Denis-Emmanuel Philippe.

3/ Suppression progressive du quotient conjugal

Le ministre propose de supprimer progressivement le quotient conjugal sur une période de 10 ans. Il s’agit d’un mécanisme fiscal destiné à alléger la charge fiscale des conjoints (mariés ou cohabitant légaux).

Dans les faits, le fisc transfère (fictivement) au partenaire qui dispose d’un revenu professionnel très bas voire inexistant une partie des revenus professionnels de l’autre partenaire. Cela n’est possible que si le revenu le plus bas du couple ne dépasse pas 30% du revenu le plus haut.

La quote-part (11.450 euros pour l’année 2022, exercice 2023) bénéficie donc d’un taux d’imposition inférieur. De fait, si elle était restée chez le partenaire qui a des revenus plus élevés, elle aurait été imposée à un taux supérieur car les taux d’imposition sont progressifs: ils grimpent au fur et à mesure que les revenus augmentent.

4/ Taxation de la carte carburant

Dans le projet, il est également question de taxer l’utilisation d’une carte essence pour les trajets privés. Techniquement, il s’agirait de remplacer le système de la dépense non admise majorée de 40% par un avantage de toute nature (ATN) pour les déplacements non professionnels.

« Aujourd’hui, lorsque l’entreprise met à disposition de l’employé une voiture de société ainsi qu’une carte carburant, l’employé n’a pas d’ATN supplémentaire imposable pour cette carte carburant. Le bénéfice de la carte carburant est donc actuellement exonéré pour l’employé », rappelle Jef Wellens, fiscaliste (Wolter Kluwers). Mais cela changerait, comme l’expliquait Vincent Van Peteghem dans son « épure pour une vaste réforme fiscale » présenté fin juillet.

De son côté, l’entreprise peut actuellement déduire une partie moins importante de la voiture en tant que frais professionnels si elle fournit une carte de carburant en plus de la voiture. « 40% au lieu des 17% habituels de l’avantage en nature pour la voiture ne sont donc pas déductibles pour l’entreprise. Ce montant constitue une dépense non admise », explique Jef Wellens.

Si l’idée est d’en finir avec cette majoration à 40%, il s’agit d’une baisse de charge pour l’entreprise. Elle serait donc « compensée » par une augmentation de charge pour l’employé, via l’ATN spécial « carte carburant ».

Pour les voitures de société existantes, le système actuel serait maintenu cinq années supplémentaires.

5/ Adaptation du régime fiscal des stock options

Le ministre propose de toucher au régime fiscal des stock options, un mode de rémunération fiscalement attrayant. Lors de l’exercice (théorique) d’épure fiscale remis par les experts cet été, il était question de taxer l’attribution d’options à hauteur de la valeur réelle de l’avantage que ce mode de rémunération représente.

L’entreprise qui octroie des stock-options à ses employés leur offre la possibilité de souscrire à un certain nombre de ses actions, à un cours préalablement déterminé. Après une période fixée, l’employé peut acheter l’action à ce prix. Il peut ensuite la conserver, ou la revendre directement afin d’empocher un bénéfice si le cours de l’action a augmenté entre-temps. L’avantage fiscal réside dans le fait que cet avantage est valorisé de manière forfaitaire (9 ou 18% de la valeur des actions au moment de l’offre). Il est taxable aux taux progressifs comme avantage de toute nature au titre de revenu professionnel. Et, si l’employé exerce ses options et revend ses actions, il n’est plus imposé à hauteur de la plus-value sur actions.

6/ Limitation de la déduction des primes versées dans le deuxième pilier

Le projet entend limiter la déduction des primes versées dans le cadre du deuxième pilier des pensions. Les primes ne seraient plus déductibles que dans la mesure où « elles ne dépassent pas 10% de la rémunération annuelle brute périodique versée au cours de l’année à laquelle se rapportent les paiements de primes », d’après le document.

7/ Suppression de la déduction des pensions alimentaires

Le ministre envisage la fin progressive de la déduction des pensions alimentaires sur une période de 10 ans.

Actuellement, les contribuables qui versent des pensions alimentaires peuvent déduire 80% de ces montants dans leur déclaration fiscale. Comme la déduction se fait sur la tranche d’imposition la plus haute (50% à partir de 42.370 euros pour l’année 2022, exercice 2023), le débiteur récupère 40 euros sur les 100 qu’il a versés (50% de 80 euros).

Les bénéficiaires (enfants, ex-conjoints, parents âgés…) sont en principe taxés sur 80% de la rente qu’ils perçoivent.

 

Journaliste Isabelle Dykmans 

 

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