2022/09/02: La Libre : ‘ La taxe sur les surprofits a-t-elle des chances de passer la rampe ?’

La taxe sur les surprofits a-t-elle des chances de passer la rampe ?

Cela fait des mois que l’on parle de la taxation des bénéfices exceptionnels réalisés parcertaines entreprises du secteur énergétique. La ministre de l’Énergie, Tinne Van derStraeten (Groen), a rédigé un projet de loi en vue de taxer ces surprofits. Mais son texte aété recalé par le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V). Ce dernier estimeque le projet contient trop d’incertitudes juridiques.
Lors du Codeco (Comité de concertation) de mercredi, le gouvernement fédéral anéanmoins réaff irmé sa volonté de taxer ces surprofits. Un groupe de travail a été missur pied afin d’évaluer les pistes juridiques possibles. La chose ne sera pas évidente àréaliser. En eff et, de nombreux experts estiment qu’il serait discriminatoire de viseruniquement le secteur de l’énergie.
Denis-Emmanuel Philippe, avocat (Bloom Law) et maître de conférences à l’ULiège,n’est pas de cet avis. Selon lui, il est « faux » de dire qu’une telle taxe n’a aucune chancede résister à un recours devant la Cour constitutionnelle.
« Le fait qu’un secteuréconomique donné soit soumis à un prélèvement particulier n’est pas en soiinconstitutionnel, explique-t-il. Le législateur peut parfaitement lever des impôts àcharge d’une catégorie déterminée de contribuables, pour autant que cette diff érencede traitement soit justifiée de manière objective. En revanche, si le Parlement adopte demanière arbitraire une nouvelle taxe visant exclusivement les entreprises du secteurénergétique, le risque d’annulation par la Cour constitutionnelle sera élevé. Parexemple, il faudrait éviter de justifier la taxe par des
considérations purement budgétaires.

Des arrêts favorables

L’avocat s’appuie sur plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle pour appuyer sonargumentation. Dans un arrêt de 2004, la Cour a été amenée à examiner la loi qui avaitinstauré une cotisation unique à charge du secteur pétrolier. Elle avait alors estimé quela cotisation n’était en soi pas contraire au principe constitutionnel d’égalité.
« Selon elle,il n’était pas déraisonnable que le législateur, compte tenu de la situation spécifiqueconcernant les besoins en produits pétroliers, impose une cotisation générale desolidarité à ce secteur », explique Denis-Emmanuel Philippe.
En 2008, la Cour a rendu un arrêt similaire à propos de la contribution unique à chargedu secteur gazier.
« Selon la Cour, lever un impôt à charge des exploitations gazières étaitjustifié, dès lors qu’elles avaient pu réaliser des bénéfices énormes en raison du niveauélevé des prix, déclare-t-il.
Il était donc équitable que ces entreprises cèdent une partiede leurs bénéfices pour contribuer aux frais de chauff age des familles belges. »

Le secteur nucléaire exempté ?

Si l’on suit ce raisonnement, cet expert ne voit pas pourquoi une taxe sur les surprofitsdes entreprises énergétiques serait d’off ice discriminatoire.
« N’est-il pas raisonnable desoutenir que les entreprises actives dans le secteur énergétique réalisent aussi desbénéfices énormes et indus ? », demande Denis-Emmanuel Philippe.
Selon lui, le fait que d’autres États européens taxent ces surprofits montre qu’il existeune marge de manoeuvre chez nous.
Néanmoins, la Belgique a la spécificité d’avoir signé une convention avec Engie, le plusgrand acteur du pays. Cette dernière stipule qu’aucune taxe supplémentaire ne peutêtre prélevée sur l’activité nucléaire. Pour certains, l’État est donc pieds et poings liés parcette convention. Rappelons que c’est dans le secteur nucléaire que les plus gros profits ont été identifiés.Les centrales au gaz, elles aussi, profitent de la crise, mais dans des proportions moindres.

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Brabant Wallon – LB 02 09 2022 Denis-Emmanuel Philippe

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