2022/08/17: L’ Echo: ‘Réforme fiscale: un tableau « pas si sombre » pour les entrepreneurs.’

L’idée de taxer les plus-values lors de la revente d’actions inquiète les entrepreneurs. Pas de quoi s’affoler, jugent les fiscalistes, mais le diable sera dans les détails.

La taxation des plus-values fait partie des grands tabous que le ministre des Finances Vincent Van Peteghem a levés mi-juillet en présentant les mesures qu’il préconisait dans le cadre de la réforme fiscale. Cette nouvelle taxe concerne donc les entrepreneurs qui, si la mesure était adoptée, passeraient à la caisse lors de la vente des actions de leur société avec un prélèvement de 15%, inexistant actuellement.

Pour le chef d’entreprise qui a capitalisé sur la prise de valeur de sa société et tablé sur une non-imposition de sa plus-value à la fin de sa carrière, c’est un changement de règle du jeu qui n’était pas tout à fait prévu », explique l’avocat fiscaliste Thierry Litannie, dont certains clients se demandent s’ils doivent vendre les parts de leur société dans la précipitation. « Mais il n’y a encore ni texte, ni précisions, ni accord gouvernemental sur le sujet. Et sur le fond, la Belgique fait figure de martienne en ne taxant pas les plus-values. Le taux de 15% n’est pas confiscatoire », estime-t-il.

Assouplissement et exonération

Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom Law, reçoit lui aussi de nombreuses questions de ses clients qui se demandent à combien s’élèverait leur taxe s’ils devaient vendre les actions de leur société (lire l’exemple en encadré). « Ce n’est pas toute la plus-value qui serait imposable, mais uniquement la plus-value constituée après l’entrée en vigueur de la réforme. La plus-value dite « historique » serait exonérée. Cela introduit une différence de traitement entre les anciens et les nouveaux entrepreneurs. La seule imposition de la plus-value future fera les affaires des ‘anciens entrepreneurs’ ayant constitué leur société il y a de nombreuses années! Cet assouplissement profitera moins aux ‘nouveaux entrepreneurs’, qui ont constitué leur société peu avant ou après l’entrée en vigueur de la taxe », explique-t-il.

La note du ministre prévoit une exonération (limitée) des plus-values sur actions si la société est transférée tout en maintenant son activité, ce qui est une autre manière d’atténuer la taxation des entrepreneurs. Mais, outre le flou actuel sur les critères à respecter pour bénéficier de cette exonération, Pierre-Philippe Hendricks, avocat chez Nibelle & Partners, trouve « hypocrite » de vouloir « taxer quelque chose qui ne l’était pas, à prévoir ensuite une exception à cette nouvelle taxation et à la présenter comme une récompense allouée à certains contribuables ou à certains comportements! » Pour lui, toute réforme fiscale qui prévoit de taxer les plus-values sur actions est nécessairement une atteinte à l’entrepreneuriat.

Des mesures favorables

Cependant, l’atteinte n’est pas si violente si l’on tient compte de deux autres propositions. « Même si cela ne compensera pas une taxe sur les plus-values, la baisse du précompte mobilier à 25% permet de prélever des dividendes avec une différence de 5% par rapport à la situation actuelle », rappelle Thierry Litannie.

Par ailleurs, il est question de réduire le taux de l’impôt des sociétés, normalement de 25%, à 15% sur les premiers 200.000 euros de bénéfices des PME, contre un taux réduit de 20% sur les 100.000 premiers euros actuellement. La rémunération minimale du dirigeant d’entreprise serait revue à la hausse afin de décourager les passages en société pour des raisons fiscales.

Pour Denis-Emmanuel Philippe, le tableau n’est donc « pas si sombre » pour les entrepreneurs. « C’est vrai que quand on donne du caviar – l’exonération des plus-values – et qu’on le remplace ensuite par des moules – taxation à 15%, avec tous les assouplissements malgré tout –, ça ne fait pas plaisir. Mais bon, la pilule pourrait malgré tout passer », estime-t-il.

Détails encore à venir

À ce stade, il est toutefois trop tôt pour s’assurer que les mesures, si elles sont adoptées, ne seront pas accompagnées de détails gênants. « Quid en outre en cas de cession avec plus-value d’une participation inférieure à 50%? Imaginons l’hypothèse où trois entrepreneurs ont créé une société et où l’un d’entre eux souhaite se retirer en vendant ses actions aux deux autres, faut-il le pénaliser? », se demande Pierre-Philippe Hendricks.

En outre, « le gouvernement pourrait décider que la plus-value sera calculée à partir du moment de l’annonce de la mesure, ce qui empêcherait les entrepreneurs de s’organiser. Il a déjà agi comme ça dans le passé », rappelle Thierry Litannie.

Concernant la baisse du précompte mobilier, s’accompagnera-t-elle de la suppression du régime de la réserve de liquidation ou du taux réduit de 15% applicable dans certaines hypothèses? « Le projet n’en dit rien, mais dans l’affirmative, on ne compense rien du tout et on augmente au contraire la taxation des entrepreneurs », prévient Pierre-Philippe Hendricks.

EXEMPLE

Voici un exemple expliqué par Denis-Emmanuel Philippe. Un entrepreneur a créé une société il y a vingt ans, avec un capital réduit de 20.000 euros. Il vend les actions de sa société à un tiers pour 1 million d’euros, en réalisant donc une plus-value de 980.000 euros. Quid s’il devait payer une taxe sur la plus-value?

Imaginons que la valeur de marché de sa société est évaluée à 1.000.000 euros au moment de l’entrée en vigueur de la taxe sur les plus-values. S’il revend, quelque temps après l’entrée en vigueur de la taxe, les actions de sa société pour 1.100.000 euros, la taxe de 15% ne devrait s’appliquer qu’à hauteur de la différence entre le prix de cession (1.100.000 euros) et la valeur de marché de sa société au moment de l’entrée en vigueur de la mesure (1.000.000 euros), soit 100.000 euros. Ceci signifie que l’impôt à payer serait limité à 15.000 euros.

LE RÉSUMÉ

  • L’idée d’une taxe sur les plus-values inquiète les entrepreneurs.
  • Selon les fiscalistes, des mesures d’atténuation sont prévues et d’autres gestes envers les entreprises sont envisagés, notamment sur le précompte mobilier et l’impôt des sociétés.
  • Mais à ce stade si précoce, on ne peut pas exclure que des détails gênants viendront noircir le tableau, si la mesure est adoptée.

Journaliste Isabelle  Dykmans 

Lire aussi article 

Souhaitez-vous rester informé?

Abonnez-vous à la newsletter et recevez les derniers articles.



    ]