20/11/25: La Libre: Vanessa Matz (CDH) : « Il faut stopper la fraude à la TVA sur Amazon.

Selon la députée fédérale, les plateformes électroniques doivent vérifier que la TVA est bien payée.

La députée fédérale Vanessa Matz (CDH) s’intéresse de près à la régulation des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) et des géants de l’e-commerce (Amazon, eBay, Alibaba…). En 2019, elle a rédigé un texte de loi en vue de taxer à hauteur de 3 % le chiffre d’affaires des Gafa réalisé en Belgique. Face à l’échec des négociations internationales sur le sujet, elle tente encore aujourd’hui de pousser sa proposition au niveau belge.

En septembre, elle a également déposé une proposition de loi afin de mettre « fin à la fraude à la TVA sur les grandes plateformes électroniques ». Enfin, la députée humaniste a rédigé un troisième texte visant à mettre fin aux « Black Friday », « Prime Day », « Cyber Monday » et autres opérations qui, selon elle, exercent une concurrence agressive et déloyale vis-à-vis du commerce de détail. Ces trois propositions s’inscrivent dans le contexte que l’on connaît. En raison des mesures de confinement, les ventes des grandes plateformes en ligne explosent. Amazon, par exemple, a vu son cash-flow opérationnel augmenter de 56 % lors du dernier trimestre ! Pendant ce temps-là, bon nombre de petits commerçants souffrent.

Une fraude à… 137 milliards d’euros

L’une de ses trois propositions s’intéresse à la question de la fraude à la TVA, qui sévit particulièrement dans le domaine de l’e-commerce. Selon le Parlement européen, la fraude dans ce secteur représente un manque à gagner de 137 milliards d’euros par an à l’échelle de l’UE.

« La réglementation européenne actuelle prévoit que les biens d’un montant inférieur ou égal à 22 euros ne sont pas soumis à la TVA s’ils proviennent d’un pays extra-européen », déclare Vanessa Matz.

Or, selon la députée, cette exonération est contournée par de nombreux vendeurs pour éviter la TVA. « Certains achats, effectués sur Amazon, eBay ou Alibaba, sont fictivement scindés pour arriver sous le seuil de 22 euros et ainsi éviter la TVA, explique Vanessa Matz. C’est de la concurrence déloyale vis-à-vis des commerçants qui s’acquittent de la TVA. S’attaquer à cette pratique permettrait aussi de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État. En Belgique, les pertes de recettes TVA sont estimées à 3 milliards d’euros par an, dont une grosse partie est imputée au commerce électronique. »

Bientôt la fin du seuil de 22 euros

Une directive européenne prévoit de mettre un terme à l’exonération de TVA pour les ventes de biens d’un montant inférieur ou égal à 22 euros en provenance de l’extérieur de l’Europe. Cette directive devrait être transposée dans le droit belge pour le 1er juillet 2021. « Pas suffisant », estime Vanessa Matz, qui propose que les plateformes électroniques soient responsables solidairement du paiement de la TVA due par les commerçants tiers qui utilisent ces plateformes. « Amazon, Alibaba et consorts peuvent trop facilement s’en sortir en disant : ce n’est pas moi, c’est un vendeur extérieur, argumente Vanessa Matz. Il faut donc rendre ces plateformes solidairement responsables du paiement de la TVA due par les vendeurs externes. »

Or selon la députée, les plateformes de vente ne devraient échapper à cette responsabilité solidaire qu’en démontrant qu’elles ont pris les dispositions nécessaires. Cela implique de vérifier si un vendeur s’acquitte de la TVA et de le rappeler à l’ordre si ce n’est pas le cas. La plateforme serait aussi tenue de dénoncer au fisc les commerçants en défaut. Autre proposition : obliger les plateformes à conserver durant sept ans les données permettant au fisc belge de mener des contrôles.

Cette proposition du CDH sera-t-elle intégrée dans la loi belge ? Contacté, le cabinet du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), indique qu’il s’agit d’une « question sensible sur le plan politique », qui ne sera pas abordée dans le cadre de la transposition de la directive européenne. En revanche, cette question sera abordée dans une seconde phase.

Denis-Emmanuel Philippe, avocat spécialisé en droit fiscal chez Bloom Law, estime que cette responsabilité solidaire est une mesure judicieuse. « D’autres pays, comme la France et l’Allemagne, ont déjà introduit une pareille responsabilité solidaire, explique-t-il. Dans certains cas, elle obligerait les plateformes d’e-commerce à payer elles-mêmes la TVA lorsque les vendeurs tiers ne le font pas. C’est aussi une manière de responsabiliser les plateformes dans le choix des vendeurs qu’elles acceptent. »

« Les pratiques frauduleuses sont légion, ajoute Denis-Emmanuel Philippe. Les Etats perdent des milliards d’euros de recettes fiscales, ce qui est totalement inacceptable, particulièrement en cette période de crise ».

Du côté de Comeos, la fédération belge du commerce, on réclame depuis longtemps une concurrence saine. On indique que la transposition de la directive européenne dans le droit belge ne réglera pas tous les problèmes liés à la fraude à la TVA. « Les mesures s’adressent principalement aux commerçants des pays extérieurs à l’UE, explique Hans Cardyn, directeur de la communication. Les problèmes subsisteront pour les commerçants européens qui vendent par l’intermédiaire de plateformes électroniques. »

Journaliste Laurent Lambrecht

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