2023/04/01: Principe général anti-abus de droit européen : jurisprudence belge récente

Depuis quelques années (aux alentours de 2019), l’administration fiscale belge n’hésite pas à combattre des montages d’optimisation fiscale jugés « abusifs » en invoquant des arguments de droit européen, en particulier (i) le principe général anti-abus européen et (ii) la mesure générale anti-abus prescrite par la directive ATAD. C’est même devenu l’une de ses armes favorites lorsque les règles anti-abus de droit belge – notamment la mesure générale anti-abus de l’article 344, § 1er du CIR, l’article 207, al. 2 du CIR,… – ne sont pas applicables (ratione temporis) ou bien sont inefficaces.

Il est particulièrement piquant d’observer que ces arguments de droit européen sont utilisés par le fisc pour déjouer toute une panoplie de montages d’optimisation fiscale dont les praticiens du droit fiscal belge et international sont familiers, à savoir notamment :

– les montages dits de « plus-values internes » (apport d’action à une holding par une personne physique – distribution de dividende par la filiale à la holding – réduction de capital exonérée par la holding);
– l’utilisation d’une société de financement intra-groupe reposant sur l’utilisation de la déduction des « intérêts notionnels » ;
– l’interposition d’une structure holding étrangère (par exemple, une SOPARFI luxembourgeoise) dans un schéma d’optimisation fiscale internationale échafaudé par un fonds d’investissement américain;
– l’utilisation d’un véhicule patrimonial défiscalisé (une SPF luxembourgeoise) par des personnes physiques résidentes belges ;
– les constructions « QFIE »,….

Dans notre contribution, nous verrons que la jurisprudence récente de la Cour de cassation a
– clairement circonscrit le champ d’application du principe général anti-abus européen, en réduisant sa portée au seul usage (abusif) d’une règle du droit de l’Union (primaire ou dérivé). Autrement dit : ce principe général anti-abus de droit européen a uniquement vocation à s’appliquer dans un contexte de droit européen, et pas dans un contexte de droit purement interne;
– permis de clarifier les limites temporelles de la mesure générale anti-abus de la directive ATAD, en lui déniant toute vocation à s’appliquer à des faits antérieurs au 1er janvier 2019.

Denis-Emmanuel Philippe