2021/04/20: L’Echo: ‘Le ciel s’est obscurci au-dessus des branches 23’.

Les assurances-vies de la branche 23, la taxe Caïman et la taxe sur les comptes-titres : un trio infernal 

Lorsqu’un particulier investit dans un portefeuille-titres, il subit en principe le précompte mobilier (au taux de 30%) sur ses revenus mobiliers. Certains épargnants en mal d’optimisation fiscale n’hésitent pas à réorganiser leur patrimoine, de manière à ce qu’il soit composé de classes d’actifs moins taxées, voire exonérées. La souscription de produits d’assurance-vie de la branche 23 est un exemple classique de produit d’épargne exempté : les revenus retirés de ce produit (en cas de rachat) échappent en règle générale à l’impôt sur le revenu.

S’il n’y a pas de taxation des revenus « à la sortie », il faut tenir compte de la taxe sur les opérations d’assurance de 2% (taxe « à l’entrée »), qui frappe le montant des primes payées à la compagnie d’assurance.

Au cours des dernières années, le ciel s’est progressivement obscurci pour les souscripteurs de contrats d’assurance-vie de la branche 23.

Depuis le 1er janvier 2018, certains produits d’assurance-vie sont susceptibles d’être considérés comme des « constructions juridiques » (de la troisième catégorie) visées par la taxe Caïman (taxation par transparence). Il en va ainsi lorsqu’est logée dans le contrat d’assurance-vie une « construction juridique » de la première (trust) ou de la seconde catégorie (entités étrangères faiblement taxées). Voici quelques illustrations :

  • Monsieur Dupont souscrit à un contrat d’assurance-vie de la branche 23 auprès d’une compagnie luxembourgeoise et paie sa prime « en nature », en apportant des actions dans une « construction juridique », par exemple (i) un compartiment dédié d’une SICAV luxembourgeoise, (ii) une SPF luxembourgeoise, (iii) une US LLC (Limited Liability Company) en Floride, (iv) une société panaméenne,…
  • Monsieur Dupont verse sa prime « en espèces » à la compagnie d’assurance, qui les investit dans une « construction juridique », par exemple un hedge fund aux Iles Caïmans ou aux Bermudes.

L’application de la taxe Caïman signifie concrètement qu’il faut faire « comme si » le contrat d’assurance n’existait pas sur le plan fiscal : les revenus mobiliers des « constructions juridiques » sous-jacentes (logées dans le contrat d’assurance) seront imposés par transparence chez Monsieur Dupont à l’impôt des personnes physiques (en principe au taux de 30%).

Par ailleurs, les souscripteurs de contrats d’assurance-vie de la branche 23 peuvent désormais être (indirectement) impactés par la nouvelle taxe sur les comptes-titres de 0,15%, entrée en vigueur le 26 février 2021. Il en va ainsi lorsque la compagnie d’assurance (titulaire du compte-titres) a placé les primes sur un compte-titres d’une valeur supérieure à 1.000.000 €, et qu’elle répercute la taxe sur les preneurs d’assurance. Peu importe, à cet égard, que le compte-titres soit détenu par la compagnie dans le cadre de contrats d’assurance-vie de la branche 23 liés (i) à un fonds d’investissement individuel (fonds dédié) ou (ii) à un fonds d’investissement collectif (lié à une pluralité de contrats avec de multiples preneurs différents).

Si la compagnie d’assurance est belge, la taxe s’appliquera à ses comptes-titres (de plus de 1.000.000 euros), qu’ils soient détenus auprès de banques belges ou étrangères. En revanche, les compagnies d’assurances luxembourgeoises devraient passer à travers les mailles du filet. En effet, la taxe sur les comptes-titres ne frappe que les comptes-titres détenus par des non-résidents (compagnies luxembourgeoises) auprès de banques belges, en application du principe de territorialité. Par conséquent, les comptes-titres détenus par des compagnies luxembourgeoises auprès de banques non belges (par exemple, des banques luxembourgeoises) échappent à la taxe. Et si une compagnie luxembourgeoise devait détenir un compte-titres auprès d’une banque belge, celle-ci devrait pouvoir s’opposer à l’application de la taxe sur le fondement de la convention préventive de la double imposition belgo-luxembourgeoise.

Bref, les compagnies d’assurances luxembourgeoises jouissent d’un net avantage concurrentiel par rapport aux compagnies belges. Une réserve toutefois : si le contrat d’assurance souscrit par un résident belge auprès d’une compagnie luxembourgeoise constitue une « construction juridique » de la troisième catégorie (voir ci-dessus), les comptes-titres détenus dans le cadre de pareil contrat pourraient être soumis à la taxe sur les comptes-titres…

Denis-Emmanuel Philippe
Avocat associé (Bloom Law) et maître de conférences ULiège

Lire aussi article

 

TO STAY INFORMED?

Subscribe to the newsletter and receive the latest blog and media articles every month.



    ]