21/10/2019 L ‘Echo: Les banquiers devront-ils déclarer au fisc les montages fiscaux de leurs clients?

Les banques n’ont décidément pas la vie facile. Elles doivent faire face aux taux d’intérêt négatifs qui pèsent sur leur rentabilité, à la transformation digitale de la société sur laquelle elles doivent s’aligner,…. Et ce n’est pas tout : elles sont aussi confrontées à des exigences réglementaires de plus en plus nombreuses et complexes.

Ainsi sont-elles notamment soumises à des obligations de vigilance. Elles doivent vérifier l’identité de leurs clients, et si elles ont des soupçons concernant l’origine illicite des capitaux (suspicion de blanchiment), elles ont alors l’obligation de dénoncer leur client à la cellule de traitement des informations financières (CTIF).

Seront-elles aussi soumises à l’obligation de dévoiler au fisc les montages fiscaux transfrontaliers agressifs de leurs clients, en application de la Directive européenne communément appelée « DAC 6 » ? Les « intermédiaires » qui seront soumis à partir du 31 août 2020 à pareille obligation déclarative peuvent être répartis en deux catégories :

Les « promoteurs », c’est-à-dire ceux qui conçoivent, commercialisent ou organisent le montage. Sont principalement visés ici ceux qui jouent un rôle actif dans la conception du schéma, comme par exemple l’avocat fiscaliste ou bien le conseiller fiscal (comme celui qui exerce son activité au sein d’un  « Big Four ») qui seraient à l’origine du montage ou à la manœuvre dans sa mise en place.

Les « prestataires de services », qui fournissent une aide, une assistance ou des conseils dans le cadre de la conception, l’organisation ou la mise en œuvre du montage. Les comptables, les réviseurs, les notaires et les « asset managers » pourraient notamment relever de cette seconde catégorie.

Quid des banques? Celles-ci participent rarement « activement » à l’élaboration de montages fiscaux agressifs. Leur core business ne consiste pas à fournir des conseils fiscaux à leurs clients, du moins sous une forme traditionnelle. Elles ne rentreront donc généralement pas dans la première catégorie des « promoteurs ». A une exception notable toutefois : les banques privées offrant des services d’estate planning. Celles-ci assistent leurs clients dans le cadre de montages de planification patrimoniale ou successorale susceptibles d’être visés par la DAC 6. Précisons ainsi que les schémas conduisant à une économie de droits de donation ou de droits de succession pourraient tomber sous le coup de la DAC 6 dans certaines circonstances, comme par exemple en cas d’utilisation de produits standardisés ou de certaines structures « exotiques ».

Mais il est vrai que, le plus souvent, l’intervention des banques se limite à l’octroi d’un service « accessoire » (octroi d’un prêt, ouverture d’un compte, transfert de fonds,…). En pratique, les banques relèveront donc plutôt de la seconde catégorie des « prestataires de services », dans la mesure où leurs services s’inscriraient dans le cadre de montages visés par la DAC 6. Epinglons ici quelques exemples :

Une banque belge fournit des services bancaires (dans le cadre d’un cash pooling), lesquels facilitent la mise en place d’opérations transfrontalières impliquant des paiements d’intérêts déductibles par une société belge au profit d’une société étrangère liée bénéficiant d’un régime fiscal préférentiel ;

Une banque belge transfère le compte d’un résident français vers une banque qui ne participe pas aux échanges automatiques d’informations (par exemple, une banque américaine du Dakota).

Une échappatoire a été réservée par la Directive pour toute personne qui serait à même de prouver qu’elle ne savait pas (et ne pouvait pas raisonnablement savoir) qu’elle participait à un montage fiscal agressif. La question centrale sera alors de savoir si la banque est ou non au courant que le service qu’elle rend s’inscrit dans le cadre d’un montage visé par la DAC6. Sa qualité d’« intermédiaire » devrait à mon avis être exclue lorsqu’elle fournit un simple service de routine et qu’elle n’a pas connaissance des implications fiscales du dispositif.

Une chose est sûre: les banques ont intérêt à mettre d’ores et déjà en place des procédures internes destinées à détecter les montages transfrontaliers agressifs auxquels elles participeraient, de manière à pouvoir remplir leur obligation déclarative à partir d’août 2020.

Denis-Emmanuel PHILIPPE,
Avocat-associé (BLOOM-Law) et maître de conférences à l’Université de Liège

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