2021/09/07: Le Soir: ‘Les médaillés olympiques belges taxés sur leur médaille? Le ministre des Finances veut l’éviter.’

L’idée de voir nos athlètes médaillés à Tokyo rattrapés par l’impôt a suscité l’émoi général. Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, réagit, cherche une solution, vise l’exonération. Des fiscalistes précisent : « On peut comprendre, mais ce sera compliqué… »

Taxer nos médaillés olympiques ? La nouvelle courait mardi, nous en avons rendu compte. Entre histoire belge, loi du genre et rage taxatoire. Quoi qu’il en soit, l’émoi fut à la hauteur des émotions suscitées tour à tour par les performances « exceptionnelles », « historiques » de nos athlètes en juillet dernier à Tokyo. 24 heures plus tard, c’est mobilisation générale. Or, argent ou bronze, peu importe, Nina Derwael, Nafissatou Thiam, Wout van Aert, Matthias Casse, Bashir Abdi et les Red Lions échapperont à l’impôt. Sans doute. Beaucoup s’y engagent. À commencer par notre ministre fédéral des Finances. Alerté-interpellé-harcelé, Vincent Van Peteghem (CD&V), réagissant au quart de tour, a promis de laver la présumée incongruité. Son administration turbine pour dégager au plus vite « une solution », elle est à pied d’œuvre.

Traité

Où est le problème ? Ici : dans l’une de ses dispositions, le traité bilatéral belgo-japonais en matière de fiscalité, et plus précisément de « double imposition », signifie que notre pays exempte de l’impôt les revenus de nos ressortissants seulement s’ils sont effectivement imposés au Japon. Un texte qui remonte à 2016, sous la législature précédente. Or, le Japon ne prévoit pas d’imposition (ce n’était pas le cas à Rio ou à Londres, qui taxaient légèrement les primes concernées) pour les médaillés olympiques. Conclusion : ceux-ci seront en principe rattrapés par l’impôt en Belgique. On y revient : la rumeur mardi, et l’émoi.

Où est la solution ? Ici : comme nous l’explique Michel Maus, professeur de droit fiscal à la VUB, la législation belge, son code des impôts, stipule que les primes octroyées aux savants, écrivains et autres artistes ne sont pas taxables lorsqu’elles ont un caractère exceptionnel, unique, et qu’elles émanent d’institutions prestigieuses, on pense au concours Reine Elisabeth, au Prix Nobel. L’idée est d’étendre le dispositif à nos médaillés olympiques. Vincent Van Peteghem nous l’explique en d’autres termes : « Afin de permettre à chacun de savoir clairement quelles primes et quels prix seront soumis à l’impôt et lesquels ne le seront pas, nous travaillons à l’élaboration d’un cadre juridique pour nos compatriotes dans le monde du sport, de la culture et de la science ».

Périmètre

C’est l’idée, mais ce n’est pas gagné. Professeur en droit fiscal lui aussi, à l’Université de Liège, Denis-Emmanuel Philippe met en garde : « Ce sera très compliqué de trouver le juste périmètre, le juste dosage entre les uns, les autres… Si l’on confectionne un régime d’exception pour nos athlètes olympiques, j’imagine déjà les recours devant la cour constitutionnelle de la part d’une série de Belges, sportifs, culturels, pourquoi pas dans le monde entrepreneurial, qui revendiqueront eu aussi de bénéficier des exonérations pour telle ou telle raison, telle ou telle activité… J’ajoute : notre législation fiscale est complexe, pour ne pas dire plus, alors attention à ajouter une exception aux exceptions déjà existantes, ce serait le maquis ».

En attendant, du côté des athlètes du Team Belgium et dans leur entourage, on espère, on y croit, et on motive…

Le foot

Nico Derwael, le père de Nina, qui a décroché l’or aux barres asymétriques en gymnastique, estime sur Facebook qu’une non-exonération serait « ridicule ». Il calibre : « Les footballeurs professionnels dans notre pays bénéficient de nombreux avantages fiscaux et on voudrait faire passer à la caisse les athlètes de sports où il y a déjà si peu à gagner ! Nina a réalisé quelque chose d’unique en remportant successivement le titre européen, le titre mondial et le titre olympique ; je trouverais dommage qu’elle doive reverser 40 ou 50 % de sa prime. Sa médaille d’or va sans doute lui ouvrir quelques portes mais on ne parle pas ici de montants que l’on retrouve en Ligue des champions. »

Victor Wegnez, membre des Red Lions, champions olympiques de hockey, qui s’est vu attribuer une prime de 12.500 euros, comme tous ses équipiers, estime lui aussi que « ce serait un peu gros de devoir reverser la moitié de cette somme ». Il poursuit : « Pour certains joueurs de football, c’est l’équivalent d’une journée de travail mais pour nous, c’est beaucoup, et ça fait plaisir. Je sais qu’il y a des avantages et des inconvénients à vivre en Belgique et on se pliera à ce qu’on nous imposera. Mais on vante régulièrement l’exemple que nous donnons en représentant notre pays, et on pourrait en tenir compte… »

Journalistes David Coppi et Philippe Vande Weyer

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