2020/12/28: La Libre: ‘La taxe compte-titres pourrait aussi frapper les petits épargnants’.

Le texte “remanié” a été adopté en Conseil des ministres. Une annulation par la Cour Constitutionnelle reste plausible. Les détenteurs de fonds de placements (via les assurances-vie de la branche 23) pourraient aussi être visés indirectement.

Un accord été donc été entériné en Conseil des ministres sur la fameuse taxe compte-titres cette semaine. Le texte qui sera soumis très prochainement au vote du Parlement a été remanié pour tenir compte – une fois n’est pas coutume – des critiques du Conseil d’Etat sur ce que la Vivaldi avait tenu à l’origine à baptiser “contribution sur les épaules les plus larges”. Ce mantra ne figure d’ailleurs pas dans le projet de loi. Et pour cause : le Conseil d’État n’en voulait pas, estimant que cette taxe d’abonnement ne pouvait être dite « sur les plus larges épaules » à partir du moment où les détenteurs d’actions nominatives en étaient exclus. Ce n’est pas le seul changement. Le texte sur la taxe de 0,15 % sur les patrimoines de titres cotés en Bourse (et donc pas nominatives) de plus d’un million d’euros a aussi été remanié sur la justification de ce seuil, qui aurait pu être contraire au principe constitutionnel d’égalité des Belges devant la loi, au motif que la distinction entre les moins d’un million d’euros et les plus d’un million d’euros n’était pas suffisamment justifiée. Et que cela aurait donc pu entraîner des changements de comportement d’investissement préjudiciables aux contribuables. Le gouvernement a amélioré son argumentation, et fait valoir qu’au-delà de ce seuil de 1 million d’euros, il était plus difficile de s’adapter pour éviter la taxe.

1. Comment la clause anti-abus a été renforcée ?

Mais, il y a quelques “mais”. La mesure anti-abus, que le Conseil d’État avait demandé de renforcer, a été remaniée mais laisse tout de même des portes ouvertes aux échappatoires. Ainsi, il reste permis dans certains cas de fractionner un compte-titres sur différents comptes, si cela permet de répartir les risques “et si le contribuable redevable parvient à démontrer, par des éléments concrets et vérifiables, que les opérations s’expliquent par d’autres motifs que l’évitement de la taxe”, explique l’avocat-fiscaliste Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law). En outre, poursuit-il, “suivant le nouveau texte, la nouvelle mesure anti-abus ne serait pas applicable dans l’hypothèse où le titulaire du compte-titres vendrait des actions cotées et investirait ensuite les liquidités dans un immeuble, même si cela ferait baisser la valeur du compte-titres sous le seuil de 1million d’euros. Ceci pourrait inciter certains titulaires de comptes-titres à vendre une partie de leur portefeuille-titres, pour investir dans des briques”.

2. Pourquoi l’idée d’un cadastre des patrimoines est à l’arrière-plan ?

Ces “failles” théoriques – “qui feront encore le miel des fiscalistes”, dixit l’avocat – constituent sans doute le gros point faible d’une taxe que deux coalitions successives – la Suédoise avant la Vivaldi – se sont évertuées à mettre en place pour des raisons certes légitimes – les recettes iront cette fois au secteur des soins de santé -, mais très mal exploitées.

Si cette taxe, qui doit rapporter 428,175 millions d’euros au budget, peut faciliter l’accès au Point de contact central (PCC) de la Banque nationale de Belgique (BNB) et servir la cause de la lutte contre la fraude fiscale (en cas de soupçon de fraude), en revanche, elle fait aussi resurgir avec plus d’acuité le spectre d’un cadastre des patrimoines – et donc une taxation des valeurs mobilières. On n’en est évidemment pas là, et ce point ne figure pas dans l’accord gouvernemental “vivaldien”, mais personne ne contestera que les pièces du puzzle se mettent en place.

3. Pourquoi le secteur des assurances est en ébullition ?

Enfin, il faut noter une grande nouveauté par rapport à la version de la Suédoise, au-delà du fait que tous les instruments financiers sont visés : les comptes-titres détenus par des compagnies d’assurances dans le cadre de contrats d’assurance-vie de la branche 23 en Belgique, souscrits par des résidents belges, seront aussi dans le viseur. “La compagnie d’assurance ne manquera pas de répercuter le coût de la taxe aux preneurs d’assurance. Du coup, on voit que la taxe pourrait impacter indirectement des petits épargnants/preneurs d’assurance (par exemple, un preneur d’assurance qui investirait 50.000 EUR dans un produit d’assurance de la branche 23). On voit donc que la taxe ne frappe pas que les “riches”! Inutile de préciser que cette nouvelle mouture met le secteur des assurances en ébullition…”, explique Denis-Emmanuel Philippe.

4. La Cour Constitutionnelle pourrait-elle annuler la loi ?

Reste donc une question, centrale : ne risque-t-on pas à nouveau l’annulation de cette taxe, comme cela avait été le cas avec la version de la Suédoise ? “Comme on ne fait plus référence à la capacité contributive des contribuables (il s’agit d’une taxe d’abonnement), il y a à mon avis un risque que la Cour constitutionnelle estime que le seuil d’un million d’euros est arbitraire et entraîne une différence de traitement injustifiée”, explique Denis-Emmanuel Philippe. Le gouvernement s’est justifié, mais cela suffira-t-il à convaincre les juges de la Cour constitutionnelle? Rien n’est moins sûr…

Journaliste Francois Mathieu

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