2020/12/11:L’Echo: ‘La taxe sur les comptes-titres 2.0 en sept questions.’

La taxe sur les comptes-titres 2.0 en sept questions.

Pour la quatrième fois en moins de dix ans, le gouvernement fédéral tente d’imposer une nouvelle taxe aux Belges les plus riches.

Après la «taxe des riches» (annulée) du gouvernement Di Rupo, celles sur la spéculation et sur les comptes-titres (également abrogées) du gouvernement Michel, les riches particuliers doivent aujourd’hui se préparer à une nouvelle sorte de taxe sur les comptes-titres, officiellement baptisée «taxe de solidarité».

1. Qui devra payer la taxe de solidarité?

Cette nouvelle taxe vise les comptes-titres dont la valeur est supérieure à 1 million d’euros. Elle s’appliquera aux comptes-titres détenus par des Belges en Belgique ou à l’étranger et aux comptes-titres détenus en Belgique par des étrangers.

Sont également concernés les comptes de personnes morales et les fondateurs de constructions juridiques, comme les fondations et les fonds dédiés (produits de type Branche 23 personnalisés). Par conséquent, les entreprises non financières, pouvoirs publics régionaux et locaux, universités et syndicats devront également s’acquitter de cette taxe.

L’ancienne taxe sur les comptes-titres ne concernait que les personnes physiques. L’élargissement de la cible aux personnes morales a pour objectif de demander une contribution aux grands patrimoines enregistrés sous forme de sociétés ou de constructions juridiques.

2. Quels sont les titres taxables?

«Tous les instruments financiers repris sur les comptes-titres sont taxables», peut-on lire dans l’Exposé des motifs du projet de loi. «Cela signifie que les actions, obligations et autres produits comparable s seront taxés, mais aussi les produits dérivés comme les turbos, speeders et trackers.» Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, a indiqué dans un communiqué de presse que la taxe s’appliquerait également aux liquidités reprises sur le compte.

Les actions nominatives seront exonérées, car le gouvernement souhaite protéger les petits entrepreneurs dont les actions de l’entreprise familiale sont souvent nominatives. C’est pourquoi les actions de sociétés coopératives comme Cera échappent également à la taxe. Selon les informations en notre possession, les produits d’épargne-pension seraient également exonérés.

Les détenteurs de produits Branche 23 (assurance liée à des placements) seront touchés indirectement. «Le monde de l’assurance est en émoi. Sous l’ancienne taxe, les produits d’assurance étaient exonérés», souligne Denis Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste chez Bloom Law.

Il rappelle que les titres faisant partie d’un produit Branche 23 ne sont pas enregistrés sur un compte-titres ouvert au nom de l’investisseur, mais de l’assureur. «Vu que les assureurs regroupent souvent les avoirs de différents clients, leurs portefeuilles dépassent généralement le seuil de 1 million d’euros et seront donc taxables. Il faut s’attendre à ce que les assureurs répercutent cette taxe sur leurs clients. Je pense par ailleurs que les portefeuilles détenus par les assureurs dans le cadre des produits Branche 21 (assurance-épargne) pourraient également être visés.»

3. Quel est le montant de la taxe?

La taxe se montera à 0,15% de la valeur des comptes-titres de plus de 1 million d’euros. Que le compte soit inscrit au nom d’un, de cinq ou de dix titulaires n’y changera rien. Et pas davantage si les titulaires sont pleins propriétaires, nus-propriétaires ou usufruitiers. La seule chose qui comptera sera la valeur du portefeuille.

Si elle est supérieure à 1 million d’euros, la taxe sera appliquée sur le montant total, donc pas uniquement sur la tranche supérieure à 1 million d’euros. La valeur taxable sera la valeur moyenne du compte aux 31 décembre, 31 mars, 30 juin et 30 septembre.

La loi comprend une clause permettant d’éviter que la taxe ne fasse baisser la valeur d’un compte- titres en dessous de 1 million d’euros. Sans cette clause, un investisseur dont la valeur du compte- titres est de 1.000.0001 euros devra payer 1.500 euros de taxe. Conséquence: la valeur de son compte retombe à 998.501 euros et il est tout à coup moins riche qu’une personne détenant exactement 1 million d’euros. Cet investisseur ne devra payer que 10% de taxe sur la différence entre 1.000.001 et 1.000.000 d’euros, soit 0,1 euro.

4. Qui percevra la taxe et comment?

Les institutions financières belges retiendront la taxe à la source. Les contribuables détenant un compte ou une assurance à l’étranger de plus de 1 million d’euros devront les déclarer et s’acquitter eux-mêmes de la taxe, à moins que leur banque ou assureur ne fasse le nécessaire.

5. Combien la taxe doit-elle rapporter au Trésor public?

Elle devrait rapporter 428 millions d’euros par an à l’État belge. Le gouvernement fédéral utilisera cet argent pour aider le secteur des soins de santé. L’avocat fiscaliste Denis Emmanuel Philippe (Bloom Law) estime que la taxe pourrait rapporter entre 600 et 700 millions d’euros. L’ancienne taxe a rapporté près de 250 millions d’euros par an.

6. Est-il possible d’éviter cette taxe?

Ce sera plus difficile qu’avec l’ancienne taxe. Vincent Van Peteghem a rappelé la disposition anti-abus. «Il ne sera par exemple pas possible d’éviter la taxe en répartissant ses avoirs sur différents comptes-titres, en transformant des titres au porteur en titres nominatifs, en enregistrant des comptes-titres au nom d’une personne morale à l’étranger ou en transformant des comptes-titres en produits nominatifs. Dans ces situations, on parlera de suspicion de fraude fiscale où la charge de la preuve reviendra au contribuable.»

La disposition anti-abus sera rétroactive au 30 octobre, c’est-à-dire le jour où la proposition de taxe sur les comptes-titres a pour la première fois fait l’objet de nombreux articles de presse.

La disposition anti-abus a pour conséquence que ceux qui détenaient par exemple deux comptes titres de 750.000 euros le 29 octobre ne devront pas payer la taxe, chaque compte ayant une valeur inférieure à 1 million d’euros. Par contre, ceux qui le 1er octobre ont scindé leur compte-titres de 1,5 million d’euros en deux comptes de 750.000 euros devront s’acquitter de la taxe, sauf s’ils peuvent démontrer que l’objectif de la scission n’était pas d’éluder l’impôt.

On peut s’attendre à ce que nos compatriotes décident de plus en plus tôt de faire don d’une partie de leurs avoirs à leurs enfants pour faire baisser la valeur de leur compte-titres en dessous du seuil de 1 million d’euros. «Ce recours aux dons pourrait mettre hors jeu la disposition anti-abus», poursuit Denis Emmanuel Philippe, qui indique que l’indivision pourrait constituer une autre piste. Imaginons que deux frères détiennent ensemble un compte-titres de 1,8 million d’euros. Pour Philippe, une scission, par exemple parce qu’ils ne s’entendent pas sur la gestion du compte, ne pourrait pas dans ce cas être considérée comme un abus fiscal.

7. Faut-il s’attendre à ce que la Cour Constitutionnelle annule également cette taxe?

D’après les spécialistes, c’est loin d’être garanti. Ils soulignent que le texte de loi est de meilleure qualité que le précédent.

De nombreux juristes s’interrogent sur le seuil de 1 million d’euros. «Ce seuil est le talon d’Achille de la taxe sur les comptes-titres 2.0», explique Denis Emmanuel Philippe. Trois juristes du cabinet Tiberghien indiquent dans une note que la limite de 1 million d’euros est «peut-être arbitraire». D’après la proposition du gouvernement, une personne détenant deux comptes-titres de chacun 750.000 euros ne devra pas payer la taxe alors qu’elle est aussi riche qu’une personne détenant un seul compte-titres de 1,5 million d’euros.

Le gouvernement justifie ce seuil d’une manière plutôt étrange. Il souligne que pour les comptes-titres de moins de 1 million d’euros, il existe de nombreuses alternatives permettant d’éviter la taxe. L’Exposé des motifs cite l’immobilier et le cash. «Pour les montants plus importants détenus sur des comptes-titres, ces alternatives sont beaucoup moins évidentes et c’est le principe TINA (There Is No Alternative) qui s’applique.»

Le gouvernement a demandé l’avis du Conseil d’État. Cet avis n’était pas encore connu au moment de la mise sous presse de cet article.

Filip Ysenbaert & Wouter Vervenne

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