2020/10/29: La Libre: La taxe sur les “épaules les plus larges” visera (aussi) les entreprises

La taxe sur les “plus épaules les plus larges”. Depuis la constitution de la Vivaldi – et même avant -, cette fameuse taxe a fait couler beaucoup d’encre. Hier, il y avait un « intercabinets » sur le sujet – qui ne s’est pas très bien passé, nous dit-on – mais l’avant-projet de loi existe bel et bien. Et Le Premier lui-même souhaite que l’on mette les bouchées doubles. Cet avant-projet de loi, qui sera soumis à l’avis du Conseil d’État (à remettre dans les 30 jours), avance bien plus rapidement que ce que le Ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) avait bien voulu dire il y a une dizaine de jours en Commission « Budget et Finances » à la Chambre. Se conformant à ce qui se trouve noir sur blanc dans la déclaration gouvernementale, le ministre des Finances avait déclaré que cette fameuse taxe verrait le jour lors du prochain contrôle parlementaire en mars 2021.

Marche forcée

Surprise : il n’en est rien. C’est la marche forcée, au point que certains autour de la table se demandent si l’objectif du gouvernement De Croo (Open VLD) n’est pas d’instaurer la rétroactivité sur ce texte, en septembre 2020, comme lors de la précédente taxe compte-titres. Mais que contient ce texte ? D’abord, il s’agira bien d’une taxe compte-titres. L’idée avait circulé qu’il pourrait s’agir d’une taxe sur les transactions financières mais il n’en sera rien. Faire revivre la taxe compte-titres va cependant demander une prudence de sioux juridique, car lors de la précédente législature, ce texte avait été dézingué par le Conseil d’État et annulé en fin d’année 2019 par la Cour Constitutionnelle, notamment pour son côté discriminatoire. Parmi les griefs des deux institutions, le fait que les actions nominatives ne soient pas visées, au contraire des actions inscrites sur un compte-titres (actions ou obligations cotées, etc.). Mais ce n’était pas le seul obstacle : le faut que la taxe de 0,15 % s’applique dès le premier euro au-dessus du patrimoine global de 500 000 euros en compte-titres était lui aussi épinglé.

Tous titres compris, sauf les actions nominatives

Que contient ce texte ensuite ? Le taux sera maintenu à 0,15 %, sur les comptes-titres de plus d’un million d’euros. L’avant-projet de loi ne fait plus référence aux « plus larges épaules ». Pourtant, son champ d’application risque de faire avaler de travers le café à quelques entrepreneurs car il est large, très large. La future taxe d’abonnement – parce qu’il s’agira bien techniquement de ce type de taxe – frappera tout ce qui se trouve sur le compte-titres. “Dans la taxe “1.0” annulée par la Cour constitutionnelle, certains instruments financiers étaient exclus, comme les produits dérivés ou les certificats immobiliers”, rappelle Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste (Bloom Law), à qui nous avons soumis nos informations pour commentaire. Selon le document en discussion, tout rentre dedans, sauf … les actions nominatives inscrites dans un registre d’actionnaires. “Dès qu’on en parle, les Libéraux montent en barricade”, nous confie une source. Si les actions nominatives continuent à échapper aux mailles du filet, il va cependant falloir trouver une astuce pour que cela passe la rampe de la Cour constitutionnelle. “En tout état de cause, si au cours des négociations on devait décider de les réintégrer, alors il faudrait à mon avis prévoir une exception pour les actions nominatives de sociétés ayant une activité économique réelle (activité commerciale, industrielle, …). Cette exception ne viserait donc pas les sociétés qui se contentent de gérer leur patrimoine mobilier et immobilier”, poursuit l’expert fiscal. Cela ferait sens par rapport à la phrase qui se trouve dans la déclaration gouvernementale, qui stipule qu’elle “ne doit pas aller à l’encontre de l’esprit d’entreprise”.

Seuil de 1 million d’euros

En revanche, il nous revient que les Libéraux sont pour l’instant moins regardants sur le champ d’application de ladite taxe compte-titres, qui englobe les résidents belges, les non-résidents belges…. et les sociétés belges. C’est la grande nouveauté. Toutes les sociétés qui ont des portefeuille-titres seraient visées. Les holdings familiales, sociétés patrimoniales,… n’ont qu’à bien se tenir…
Enfin, le seuil d’un million d’euros sera lui aussi sujet à discussions car ce sont les banques qui vont devoir réaliser la retenue à la source. “Si l’on reste dans la logique d’une taxe d’abonnement, et que l’on ne fait plus référence à la capacité contributive des contribuables, il y a un risque que la Cour constitutionnelle estime que le seuil d’1 million d’euros est arbitraire et entraîne une différence de traitement injustifiée”, estime Denis-Emmanuel Philippe. Dans l’avant-projet de loi actuel, on ne fait en effet plus référence aux épaules les plus larges, ni au fait qu’on veut taxer les contribuables aux patrimoines les mieux garnis. “Dans ce cas-là, effectivement, il faudra voir si ce n’est pas discriminatoire”, poursuit l’expert. Pour qui, c’est une certitude, le rendement de la taxe sera supérieur à ce qui est escompté – entre 150 et 300 millions d’euros par an – si on intègre les comptes-titres des sociétés belges.

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