2020/10/04: La Libre: La Vivaldi pourrait rendre la Belgique moins sexy aux yeux des investisseurs étrangers

Une étude du centre d’études européen Ecipe analyse l’impact du projet de l’OCDE de mieux taxer les multinationales, et de réduire la concurrence fiscale entre Etats. Ce que préconise aussi la Vivaldi dans sa déclaration gouvernementale. La Belgique ferait partie des perdants. La perte serait d’environ 10 milliards d’euros sur le stock d’investissements étrangers en Belgique.

Ce que l’on sait à ce stade en matière de fiscalité à lire la déclaration gouvernementale ? D’abord, que le secret bancaire va perdre encore un peu plus de vigueur en Belgique. La Vivaldi entend lui tailler des croupières. L’ambition est en effet que les soldes bancaires de tous les comptes belges soient communiqués au Point de contact central (PCC) de la Banque nationale de Belgique (BNB). En cas de soupçon de fraude fiscale, notamment, ce PCC peut être sollicité, et les informations, communiquées.

Ensuite, il y a cette “contribution Corona” qui sera demandée à ceux qui ont la “capacité contributive la plus importante”. Dans un entretien à nos confrères de Rossel, le président du Parti socialiste a précisé qu’“il y aura une contribution imposée aux plus hauts patrimoines”, c’est-à-dire “les gens qui ont plus d’un million d’euros de patrimoine mobilier”. Paul Magnette a ajouté que le concept de cet impôt sur la fortune devait encore être finalisé “lors du prochain conclave budgétaire, pour élaborer le budget 2021” et que cet “impôt serait affecté aux soins de santé”.

La fiscalité internationale au programme

Enfin, et c’est passé complètement inaperçu jusqu’ici, le programme gouvernemental contient un point de fiscalité internationale qui risque de faire couler beaucoup d’encre et de susciter une bataille larvée au Parlement : l’introduction d’un impôt minimum global tel que le préconise l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE). Que dit précisément le Rapport au Roi à ce sujet ? Que “dans le cadre des négociations de l’OCDE concernant les réformes des régimes d’imposition internationaux, la Belgique jouera un rôle constructif et proactif. En ce qui concerne le Pilier 2 qui vise un impôt minimum global (la proposition GloBE), la Belgique plaidera pour que les bénéfices d’une multinationale soient en tout cas soumis dans chaque pays distinct à un niveau minimum de taxation, et contre les exceptions accordées à certains régimes fiscaux tout en veillant également à préserver la compétitivité de certains secteurs importants de son économie”.

Réduire la concurrence fiscale

Concrètement, l’OCDE entend réduire la concurrence fiscale entre les pays. Sans caricaturer, ces négociations entamées depuis 2016 au sein de l’OCDE sont très compliquées, techniquement et diplomatiquement. Depuis des années, les grands pays comme l’Allemagne et la France, expriment de plus en plus ouvertement leurs ras-le-bol de voir des petits pays comme le Luxembourg, l’Irlande, les Pays-Bas et… la Belgique, créer des niches fiscales pour attirer les investissements étrangers. Ce qui leur fait perdre des recettes fiscales importantes.

La réforme envisagée par l’OCDE est de déplacer le curseur en vue d’une plus grande équité fiscale, et une meilleure perception de l’impôt dans le chef de multinationales allant là où l’impôt réel des sociétés ou les incitants fiscaux sont les plus intéressants. “Le Pilier 2 (‘proposition GloBE’) entend mettre en sourdine les dispositifs permettant aux groupes multinationaux de transférer des bénéfices dans des pays où ils sont assujettis à un impôt nul ou très faible. L’objectif consiste à déterminer un niveau minimum global de taux effectif d’imposition des sociétés”, explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste chez Bloom Law. Qui serait de 12,5 %.

Un premier rapport public…

Si cela devait se concrétiser, cela ne serait pas sans impact. Si les études d’incidence restent gardées secrètes par les États membres, le premier rapport digne de ce nom, du think thank Ecipe (The European Centre for International Political Economy), vient de sortir. Ce centre d’études composé d’experts européens, qui se dit indépendant mais qui est plutôt d’obédience patronale et académique, est jugé sérieux sur la scène européenne. Indépendant de l’OCDE, ce groupe d’une quarantaine d’experts a montré dans un rapport publié à la fin du premier semestre que les réformes en projet devraient transférer des recettes fiscales, mais aussi une partie de l’activité économique, des petites économies ouvertes vers les pays les plus grands, qui appliquent (à présent) des taux d’imposition élevés. “Ces réformes aboutiraient aussi à réduire les investissements étrangers vers ces petits pays, poursuit Denis-Emmanuel Philippe. Le rapport montre que des ‘petits pays’, qui ont des économies ouvertes et dépendent en grande partie des investissements étrangers, devraient être pénalisés.” La Belgique est un exemple de petit pays. La perte serait d’environ 10 milliards d’euros sur le stock d’investissements étrangers en Belgique (de 500 milliards d’euros environ à la fin 2019).

Débat en vue à la Chambre

En 2017, face aux critiques sur les freins mis par la Belgique dans ces négociations au niveau européen sur ces questions fiscales, l’ancien ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) avait pointé ce risque de perte d’attractivité. “L’idée qui apparaît en filigrane de cette étude d’ECIPE est la suivante : ces réformes fiscales aboutissent à priver les petits pays d’une partie de leur souveraineté fiscale, puisqu’ils deviennent contraints, en adhérant à ces nouvelles règles, de durcir leurs règles fiscales, voire d’abandonner dans certains cas leurs ‘niches fiscales’. Ceci va réduire les différences de niveau d’imposition entre les différents États. Dans ce contexte, quel sera encore l’intérêt pour une multinationale de venir s’établir dans un ‘petit pays’, tel que la Belgique, au lieu d’un ‘grand pays’ qui a un marché bien plus important (par exemple, l’Allemagne ou la France) ?”, s’interroge Denis-Emmanuel Philippe. Cette question, à n’en pas douter, suscitera aussi moult débats à la Chambre.

François Mathieu (Journaliste La libre)

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