Suivant une interprétation littérale de l’article 344,§1er du code des impôts sur les revenus, la mesure générale anti-abus s’applique uniquement si le contribuable, dans le chef duquel un abus fiscal peut être établi et redressé, pose lui-même un acte constitutif d’abus.
Pas question donc en principe pour le fisc d’invoquer la disposition anti-abus à l’encontre de contribuables qui ne sont pas partie à l’acte juridique ou la série d’actes juridiques susceptibles d’abus. C’est précisément pour ce motif que le fisc a mordu la poussière dans l’affaire tranchée le 7 septembre dernier par le tribunal de première instance du Luxembourg (division Marche en Famenne) concernant un montage classique de transmission d’une entreprise familiale à la génération future.
Il faut toutefois se garder de penser que les tentatives des avocats fiscalistes d’écarter l’application de la mesure anti-abus devant les cours et tribunaux, sur la base de cette «défectuosité» du texte légal (tenant à son champ d’application ratione personae), vont toutes “faire mouche”.
Certaines juridictions n’hésitent, en effet, pas à interpréter la notion «contribuable» de l’article 344 CIR de manière (très) large. C’est ainsi que la Cour d’appel de Gand a validé l’application de la mesure anti-abus à l’encontre d’un manager belge d’un groupe de sociétés international, quand bien même celui-ci n’était pas formellement partie à l’ensemble des actes constitutifs d’abus. La Cour s’est ainsi satisfaite du fait qu’il était étroitement impliqué, en tant que CFO, par les restructurations qui avaient été décidées et mises en place / qu’il avait pu en profiter ultimement (arrêt du 1/12/2020).
Par ailleurs, la mesure générale anti-abus de la Directive ATAD ne requiert nullement que le contribuable qui revendique un avantage fiscal, soit partie à toutes les étapes du
dispositif. L’interprétation large de la notion de contribuable devrait ainsi être retenue pour les actes posés après le 1er janvier 2019 en matière d’impôt des sociétés (principe d’interprétation conforme de l’article 344 du CIR avec la mesure anti-abus ATAD). L’interprétation étendue de la notion de “contribuable” a encore des beaux jours devant elle…
Lire aussi l’intervention de Denis-Emmanuel Philippe dans L’Echo
