2020/06/24: Le Soir: Punir les abus fiscaux pour financer la relance

Les députés fédéraux veulent empêcher les Belges d’éviter l’impôt sur les donations mobilières, contourné en passant devant les notaires néerlandais. Et veulent en savoir plus sur ces milliards d’argent noir qui dort sur les comptes belges.

Relance post-confinement oblige, la Belgique va avoir besoin de milliards. Les élus fédéraux veulent pour cela aller chercher dans les poches des plus privilégiés.

D’une part, ils ont lu avec intérêt les propos de Steven Vanden Berghe, président du Service des décisions anticipées (tax ruling) de l’administration fiscale, dans le Tijd , le matin même. Celui-ci a indiqué qu’il y avait des milliards d’euros d’argent noir qui dormaient sur les comptes belges et que ces montants pourraient « être l’occasion de combler en partie le déficit provoqué par les mesures prises dans le cadre de la crise du coronavirus ». A la demande d’Ahmed Laaouej (PS) et de Georges Gilkinet (Ecolo), Steven Vanden Berghe devrait être convié en commission des Finances de la Chambre pour nourrir la réflexion sur des possibles mesures à prendre pour mettre la main sur ces milliards ; les tentatives de Georges Gilkinet de faire passer un projet de loi sur ce sujet avaient plusieurs fois échoué dans le passé.

Une vaste opération de rapatriement des montants noirs de l’étranger a eu lieu il y a quelques années, via une régularisation plus souple, portant uniquement sur les revenus du capital et non sur le capital lui-même. « Cet argent est depuis des années en Belgique et le capital est toujours noir et peut faire l’objet de poursuites pénales. Steven Vanden Berghe a raison d’ouvrir la porte à une régulation plus douce et moins onéreuse. La régularisation actuelle, c’est 40 % d’impôt sur les capitaux fiscalement prescrits, c’est à mon avis trop », explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste chez Bloom Law.

« Il existe une discrimination entre les Belges qui ont un compte à l’étranger et ceux qui détiennent des comptes auprès de banques belges », ajoute-t-il. Dans le cas des premiers, les banques étrangères transmettent une série d’informations au fisc belge. « Parfois les pays étrangers ont un accès plus facile aux informations des banques belges, c’est un paradoxe. La loi antiblanchiment oblige bien les banques à déclarer à la Ctif les montants douteux, mais le problème est qu’elles ne doivent pas le faire pour l’argent qui est déjà sur les comptes », déplore de son côté Georges Gilkinet.

Clore la route du fromage

L’autre potentielle manne, ce sont ces donations que les Belges vont faire enregistrer devant des notaires néerlandais pour éviter le droit d’enregistrement de 3 %. C’est la « kaasroute (route du fromage) ». « On a détecté de plus en plus de publicité et de démarches proactives des notaires néerlandais vis-à-vis de la population belge. C’est une façon d’éluder l’impôt », explique Georges Gilkinet, qui a déposé un projet de loi visant à clore cette échappatoire avec le CD&V.

« La proposition de loi tente de mettre fin à cette pratique par un autre chemin plus facile, c’est-à-dire l’obligation de déclarer en Belgique les donations mobilières passées à l’étranger. De sorte qu’il ne sera plus possible d’éviter les droits de donation de 3 % », explique Denis-Emmanuel Philippe.

En séance, la N-VA a demandé un avis du Conseil d’Etat, estimant qu’il fallait une majorité spéciale pour adopter le texte car il empiète sur des compétences régionales. Mais la majorité n’a pas suivi. Servais Verherstraeten, l’un des auteurs du texte, l’a accusée de vouloir ralentir le processus et a refusé cette demande d’avis car elle ne s’engageait pas à voter le texte avant la pause estivale. La N-VA a demandé une seconde lecture.

« On gagne une relecture juridique du texte, ce n’est jamais perdu », a positivité Georges Gilkinet, qui se demande tout de même si dans les questions de procédures soulevées par la N-VA, il n’y a pas une certaine sensibilité à « une partie de son public, qui ne va pas être très heureux de ce dispositif ».

Schémas agressifs

Ces deux initiatives pour récupérer des fonds de l’optimisation ou de l’évasion fiscales interviennent alors que la Belgique a validé le report de six mois de l’obligation pour les intermédiaires fiscaux (conseillers, avocats, banquiers, etc.) de déclarer au fisc les schémas de planification agressive transfrontières qu’ils concoctent pour leurs clients. Les avocats vont par ailleurs contester le texte devant la Cour constitutionnelle, a rapporté la Libre Belgique , mardi, car ils considèrent qu’il contrevient à leur secret professionnel.

 

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